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Connaître le futur

Chapitre 4, « La vie dans le Kali Yuga », section 3 de
And Time Rolls On: The Savitri Devi Interviews

par Savitri Devi
traduit par Arjuna

3. Connaître le futur

Mon idée du futur est celle-ci : si on vit dans l’éternel présent, on connaît le futur. On ne le voit pas comme nous le voyons par le raisonnement, mais on en est simplement conscient. Vous avez des exemples de cela dans l’histoire. L’un est celui du Grand Maître des Templiers et de certains de ses fidèles 16. Ils furent brûlés vivants, certains disent le 11 mars, d’autres  disent le 18 mars 1314. On dit qu’au milieu des flammes le Grand Maître parla et dit : « Je vous assigne au tribunal de Dieu, tous deux, le pape Clément V, dans un mois, et le roi Philippe le Bel, cette même année ». Et c’était vrai. Les deux moururent. Le pape mourut le 9 avril et le roi mourut le 29 novembre de la même année.17 Comment cet homme savait-il cela ? Il avait parfaitement raison. Comment savait-il cela ?

Longtemps avant lui, comment Confucius connaissait-il la Chine moderne ? On dit que ses disciples demandèrent à Confucius : « Combien de temps votre doctrine règnera-t-elle sur la Chine ? ». Et il dit : « Vingt-cinq siècles exactement ». Après exactement vingt-cinq siècles,  Mao-Tse-Tong vint. Avec Mao-Tse-Tong, le règne du confucianisme, le règne de l’esprit de Confucius, prit fin. Le Chinois ne vit plus pour ses ancêtres et dans le respect de ses père et mère. Il vit pour les pensées de Mao et pour l’application des pensées de Mao. Donc il avait raison. Comment pouvait-il avoir raison ? Comment savait-il cela ? Pourquoi ne fit-il pas une erreur d’au moins deux ou trois siècles ? Il n’en fit pas. S’il avait une marge d’erreur, c’était une marge de cinquante ans.

Voilà ce qu’est connaître le futur. Malheureusement je n’ai pas cette capacité. Je ne vis pas dans l’éternel présent. Pour vivre dans l’éternel présent, il faut être bien supérieur à moi. Probablement, le Führer vivait dans l’éternel présent, parce que d’après Kubizek, à l’âge de seize ans il savait qu’il monterait et tomberait comme Rienzi.

Mais très peu de gens vivent de cette manière. Pour ceux qui ne vivent pas ainsi, eh bien le futur est une question de raisonnement, de conjecture. Supposer ceci et cela. D’après les données du présent et d’après les données du passé, on fait quelques comparaisons et on tente d’en déduire le futur. Mais c’est une stupidité. Personne ne peut déduire le futur d’après le présent et le passé. Du moins le futur éloigné. Peut-être le futur proche. Et pour les petites choses quotidiennes. Supposons qu’on sache que dans une localité il y a un magasin qui ferme le lundi. Eh bien, je suis parfaitement sûre, presque sûre, que si j’y vais le vendredi je le  trouverai ouvert. C’est très facile. C’est le futur, le futur très proche et une sorte d’affaire dérisoire. Mais dire s’il y aura une guerre avant la fin de ce siècle ou pas, personne ne sait. Parce que tout événement du futur dépend de nombreux facteurs, et les facteurs les plus évidents ne sont pas toujours les plus importants. Pas toujours les plus importants.

Il y eut un très grand discours ou sermon de l’évêque de Meaux, Bossuet18. Il était connu comme l’un de ceux qui parlaient le plus beau français. On le donne à lire aux enfants des écoles, les garçons et les filles, pour la qualité de son français. Et il avait l’habitude de faire des sermons sur la mort de gens connus. Il y a un sermon fameux de lui sur la mort d’Henriette Anne d’Angleterre, qui avait épousé le frère du roi de France, Louis XIV 19. Et elle vivait à l’époque de Cromwell. Et il y a un passage de ce sermon sur Cromwell et sur le problème qu’il avait. Il mourut d’un calcul, mais pas dans la vésicule, mais dans le tube qui descend de la vésicule vers les parties inférieures du corps. En français ça s’appelle l’urètre20. Eh bien, Bossuet dit que ce calcul, un calcul minuscule, s’il s’était trouvé n’importe où ailleurs dans le corps de Cromwell, n’aurait eu aucune importance. Mais il se trouvait juste dans ce tube. Et il mourut.

Bien sûr la mort de Cromwell était quelque chose d’important dans l’histoire anglaise, et elle n’était pas prévisible. On ne pouvait pas la prévoir vingt ans avant. Qui sait ce qui arrivera à telle ou telle personne ? Pour une cause minuscule comme celle-là, une cause physiologique. Et cela décide du futur. Si Roosevelt était mort vingt ans plus tôt, l’histoire du monde aurait été différente. Il aurait pu mourir. Personne ne sait. La vie et la mort sont entre les mains de forces dont nous ne savons rien. L’histoire du monde aurait été différente.

Ils disent que l’assassinat politique est généralement inutile quand on veut supprimer un mouvement. Le mouvement est représenté par un homme. On tue cet homme. Un autre homme apparaît. Cela dépend. L’assassinat politique est généralement inutile parce qu’il vient trop tard. Il vient toujours trop tard. La connaissance que cet homme est dangereux est la cause de son assassinat. Si quelqu’un, connaissant le futur, avait su cela quand l’homme était un bébé et avait tué le bébé, l’histoire aurait été différente. Supposez que quelqu’un ait tué Staline quand il avait six ans. L’histoire aurait été différente. Ou quelqu’un d’autre, n’importe quel grand homme. On connaît le grand homme trop tard, et on se débarrasse de lui trop tard. Il faut être clairvoyant. Pour être clairvoyant, il faut vivre dans l’éternel présent, et ça n’est pas le cas de la plupart des gens. Mais si vous vivez dans l’éternel présent et que vous pouvez savoir que cet homme sera dangereux pour un but, et que vous voulez ce but – vous voulez cette chose, vous aimez cette idéologie ou n’importe quoi d’autre, cet état de choses – et que vous voulez éliminer l’homme, éliminez-le quand il est enfant avant qu’il sache lui-même ce qu’il va faire.

Voilà ce que j’ai à dire concernant le futur. Donc je ne peux rien dire du futur. Je ne le connais pas. Je ne vis pas dans l’éternel présent. Tout ce que je sais, c’est cela : faisons tous ce que nous pouvons maintenant. Le futur est fait de nombreux facteurs. L’un des facteurs, c’est maintenant. Et tout ce qu’on fait compte. Tout ce qu’on dit compte. Tout ce qu’on pense compte peut-être encore plus.

Je crois vraiment que la pensée est une force 21. La pensée est quelque chose qui vient de nos nerfs. C’est une sorte de force radiante. Ce sont des ondes, si vous voulez. Ce sont des ondes de pensée. Nous émettons des ondes. Ces ondes ont un effet. Un très petit effet, bien sûr, plus ou moins grand selon la personne. Mais elle a un effet. Je dirais, pourquoi ne tentez-vous pas de faire une chose : rassemblez-vous chaque jour, ou tous les deux jours, ou chaque semaine, ou deux fois par semaine, au même endroit et spécialement au même moment. Le moment est très important. Et pensez intensément. Ne faites rien d’autre. Pensez intensément à ce que vous voudriez qu’il arrive. Vous devez penser tous à la même chose. Tous les gens réunis au même endroit doivent penser la même chose. Pensez intensément à ce que vous voudriez que le futur soit. Pensez intensément, disons, à quelque chose de simple. Comment changer le statut des USA ou du Canada ou de l’Amérique du Nord. Comment le faire. Pensez à cela. Pensez : « Forces supérieures de l’univers, aidez-nous à faire ceci ou cela, à révéler aux gens responsables le désastre dans lequel se trouve la race aryenne, et comment en sortir ». Je crois que c’est utile.

Je pense vraiment que la seule chose que nous pouvons faire est d’attendre. Nous rendre forts, et créer parmi nous une classe supérieure de gens capables de commander, capable de prendre un jour la direction de la race dans chaque pays. Les gens qui dans leur vie quotidienne sont plus proches des idéaux du Führer que les autres gens.


16Jacques de Molay (1244-1314) fut le dernier Grand Maître des Templiers, de 1293 à 1314.

17Philippe IV (le Bel) (1268-1314) régna de 1284 à 1314 et mourut le 29 novembre 1314. Le pape Clément V (Bertrand de Goth, archevêque de Bordeaux, né en 1264) régna de 1305 à 1314 et mourut le 20 avril 1314.

18Jacques Bénigne Bossuet (1627-1704).

19 L’Oraison funèbre de Henriette d’Angleterre par Bossuet (1670), sur Henriette Anne d’Angleterre (1644-1670), épouse de Philippe de France, duc d’Orléans (1640-1701), ne doit pas être confondue avec son oraison de 1669 sur la mort de sa mère Henriette Marie de France (1609-1669), la femme du roi Charles 1er d’Angleterre (1600-1649, régna de 1625 à 1649), également mère des rois Charles II (1630-1685, régna de 1660 à 1685) et Jacques II (1633-1688, régna de 1685 à 1688) d’Angleterre (Oraisons funèbres, Paris 1689).

20 En français dans le texte.

21Cf. Pilgrimage, 92-93.