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Saint-Loup et l’Hyperborée

Par Arjuna


L’écrivain français Saint-Loup (de son vrai nom Marc Augier) utilise le mythe de Thulé-Hyperborée dans plusieurs de ses livres. Ancien membre de la LVF et correspondant de presse auprès de la Waffen SS, il relie en fait le mythe de Thulé à l’aventure du Troisième Reich et à la vision-du-monde nazie – ou  plutôt néo-nazie, car il est clairement partisan de la « tendance européenne » de la SS1 et non de la tendance pangermaniste. Cette « dangereuse nostalgie » pour l’aventure nazie lui sera plus tard reprochée par d’autres figures du courant « euronationaliste » ; en effet, la cause européenne et le mythe d’Hyperborée se suffisent à eux-mêmes, point n’était besoin d’y mêler « le combat crépusculaire du Troisième Reich » (comme le dit Jean Mabire).

Quoi qu’il en soit, en partant de quelques éléments réels ou simplement non-éclaircis2, Saint-Loup tente de faire naître un nouveau mythe : celui de l’existence d’une base secrète nazie après la défaite de 19453, et de la survie et de la transmission d’une connaissance ésotérique de haute valeur, d’un « Graal racial et spirituel », en ce lieu caché ou chez quelques initiés ou individus d’élite survivant au milieu de la civilisation occidentale décadente (aucun doute sur le dernier point…).

Dans l’un de ses livres les plus connus, Les nostalgiques (1967), quelques anciens Waffen SS français sont à la recherche d’une base secrète nazie dissimulée dans la région de la Terre de Feu, en Amérique du Sud :

« …le ‘conservateur de la foi nordique’… se tenait forcément dans l’axe de l’étoile polaire ou de la Croix du Sud ! La nouvelle Thulé ne pouvait être que glaciaire ! »

« La défaite militaire est un accident. L’avenir du national-socialisme est de toute manière assuré. Nous avons aménagé de longue main une base secrète dans l’archipel de la Terre de Feu. Les hommes sur lesquels repose l’avenir idéologique sont installés là-bas… »

« La Patagonie australe. (…) un ciel d’étoiles où la Croix du Sud indique le gisement de la nouvelle Thulé, la capitale secrète des Aryens… »

« Nous sommes probablement passés à quelques miles de la base sans l’apercevoir. J’ai relevé quatorze îles ne figurant pas sur les cartes de l’Amirauté ! Il en existe d’autres. (…) Sans guide, personne ne peut découvrir la base. »

Naturellement, personne n’a jamais découvert de « base secrète », mais le sympathique (et excentrique) poète chilien Miguel Serrano n’a jamais cessé de la chercher ; il a en tous cas écrit de jolies pages sur ce thème.4

Parallèlement à ce thème de la « base secrète aryenne », Saint Loup tente aussi de lancer un autre mythe secondaire : dans les derniers jours du Troisième Reich, un groupe d’élite SS aurait dissimulé en haut d’un glacier tyrolien un lourd coffre renfermant un mystérieux « trésor » (documents secrets, tablettes « runiques », Graal aryen ?). L’événement est supposé avoir eu lieu le 2 mai 1945, à plus de 3.000 mètres d’altitude, au haut du Zillertal, dans la vallée de l’Inn. Ce coffre, contenant un message d’une importance capitale pour la race blanche, devait donc descendre au rythme de la descente du glacier et devait livrer son « message » entre 1990 et 1995, à une époque où les Européens étaient supposés être prêts à le recevoir (selon un point de vue très optimiste !).

La tentative de Saint Loup a fait long feu : l’Europe « démocratique » est de plus en plus décadente, et aucun coffre n’a été rendu par le glacier. En revanche, il est arrivé un événement surprenant (et apparemment personne n’a fait le rapprochement) : un glacier a bel et bien rendu un objet qui est aussi un message, à sa manière : il s’agit bien sûr de « Ötzi », le fameux homme des glaces, découvert en 1991 sur le glacier du Schnalstal au Sud-Tyrol, et vieux d’environ 5.300 ans.

Saint-Loup propose encore une autre piste : ce même jour (!) du 2 mai 1945, un avion (ou quatre, selon une autre version du même auteur) à très grand rayon d’action aurait décollé d’Allemagne (de l’autoroute Munich-Salzburg, nous dit notre auteur), emportant les « grands initiés de la SS ». Pour quelle destination ? Pour le Tibet, bien sûr ! Ce même Tibet qui avait fait l’objet d’une célèbre expédition SS en 1939 :

« Ils se posèrent au Tibet, près de Lhassa ; l’avion fut immédiatement brûlé par son équipage et ses passagers se dispersèrent dans les communautés tibétaines. (…) je reçus un jour chez moi à Paris Savitri Devi. Elle me certifia que l’avion en question avait atterri près de Lhassa… Elle avait même aperçu Le Fauconnier qui sortait d’un monastère tibétain mais n’avait pas pu lui parler. » (Götterdämmerung, 1949)

Pour le lecteur non-initié, Le Fauconnier est le nom d’un personnage (fictif) des livres de Saint-Loup – ce n’est pas un pseudonyme d’Adolf…

Et les fameuses « tablettes runiques », d’où venaient-elles ? Des cathares, selon Saint-Loup ! Elles auraient été dissimulées par les derniers cathares avant la chute de Montségur en 1244, et retrouvées par les « initiés SS » en 1944 (« après 700 ans refleurit le laurier »).5

En fait, Saint-Loup se fonde sur un curieux quatrain du « troubadour » allemand Wolfram von Eschenbach, qui écrit dans son Parzival :

Dans la poussière de Tolède
Guyot, le maître de haut renom
Trouva, en écriture païenne enchevêtrée
La légende qui touche à la source primordiale.

On remarque que « Tolède » contient les mêmes clés phonétiques que « Thulé »6, et que « l’écriture païenne enchevêtrée » rappelle fortement les runes germaniques – et les Wisigoths ont longtemps régné en Espagne (et en Occitanie). Ce qui permet à Saint-Loup de faire dire à l’un de ses personnages :

« J’ai de bonnes raisons de croire que vos Cathares ont détenu le Graal-objet, qu’ils ont déchiffré une partie de la Loi, une partie seulement… il s’agissait d’un trésor selon l’esprit et la chair : une loi de vie intéressant la survie de l’espèce, gravée sur les tablettes du Graal…. Il fut évacué au cours de la nuit suivante… Ils portèrent le Graal en lieu sûr. Très certainement dans quelque grotte située entre Montségur et le Sabarthès. »
(Nouveaux cathares pour Montségur, 1969)

L’affaire se complique… Des cathares, des troubadours, des SS, des bases secrètes… Où sont donc cachées les « tablettes aryennes » ? Dans le glacier tyrolien ? Au pôle Sud ? En Terre de Feu ? Dans un monastère tibétain ?

Dans un livre ultérieur, Une moto pour Barbara (1973), Saint-Loup place cette fois la « base secrète aryenne » au nord de la Sibérie. Dans ce roman, l’héroïne aryenne, la Fille blonde au cœur pur, est initiée par son oncle, un ancien de la SS, qui lui transmet graduellement son message sacré, légué par les Maîtres de l’Ordre Noir. Elle se retrouve alors engagée dans un long périple parsemé d’épreuves, qui la mènera jusqu’au Grand Nord, où se dissimule la Nouvelle Thulé, quelques 1.000 kilomètres au nord de Novosibirsk7. Là, derrière la Grande Barrière de Glace, dans une zone verdoyante bénéficiant d’un microclimat, se trouve un territoire protégé de la décadence moderne, où les Sages de Thulé préparent le retour de l’Age d’Or qui se produira après la ruine inévitable de la civilisation occidentale. Les Sages sont en possession des tablettes, et les ont déchiffrées.

A la dernière page du livre, l’héroïne épuisée, guidée par une horde de loups et par des signes dans le ciel, parvient finalement en vue de la Nouvelle Thulé. A travers la brume du Nord, elle aperçoit dans ses jumelles un arbre gigantesque, haut de plusieurs centaines de mètres, s’élevant au-dessus d’une immense forêt : Yggdrasill, l’Arbre du Monde. Alors « elle pleure et se réjouit » : à travers elle, le lien est renoué entre la race aryenne et le Message de Thulé ; le « monde moderne » peut s’écrouler ; le retour de l’Age d’Or est assuré.

« Elle vit, une fois, passer le Chevalier Blanc et s’endormit, rêvant qu’il la prenait en croupe et l’emportait vers les palais de glace de Thulé, berceau de sa race… »

Finalement, Saint-Loup ne perd pas le Nord et associe audacieusement les deux plus grands mythes européens, celui du Graal et celui d’Hyperborée :
 
« Le Graal est devenu un mythe, à partir d’une réalité vivante, selon un processus d’évolution classique. Les chrétiens ont volé ce mythe aux païens, comme ils volèrent tous leurs lieux sacrés en édifiant des églises sur les ruines des temples. (…) il ne peut s’agir que d’un trésor païen et aryen. Les tablettes du Graal sont passées par la Perse. Comment y arrivèrent-elles, sinon dans les bagages des conquérants nordiques ? D’où venaient les Scythes et les Mèdes, sinon des plaines du Danube et du Don ? Et d’où provenaient les premiers occupants de ces régions, sinon du royaume boréal, de la civilisation de Thulé ? Le Graal est probablement le dernier message envoyé par les Hyperboréens avant leur disparition. »
(Nouveaux cathares pour Montségur, 1969)

En fin de compte, après avoir multiplié les fausses pistes, les tirades nostalgiques et les épisodes romancés, Saint-Loup revient à l’essentiel et délivre un message précieux aux Européens. Son intuition est probablement juste lorsqu’il place la Nouvelle Thulé au nord de la Sibérie, car vu la décadence accélérée de l’Occident (qui est en fait une anti-civilisation, puisqu’il dissout tout ce qu’il touche), la Russie est peut-être bien la dernière chance de la race blanche.

Regardons-nous en face : nous sommes des Européens. Nous sommes le Peuple du Nord. Retrouver le Graal, c’est à la fois reprendre conscience de notre identité raciale et retrouver notre spiritualité propre (qui est païenne et panthéiste, et non pas judéo-chrétienne) ; la Race et l’Esprit – l’une ne va pas sans l’autre. Nous n’avons plus rien à faire avec l’Occident ploutocratique et panmixiste, dont l’effondrement total est inévitable. Son sort ne nous intéresse plus. Nous devons nous retirer derrière la Grande Barrière de Glace, abandonner les territoires déjà pourris, et tenir bon – SURVIVRE –  jusqu’à la chute du Golem occidental. Une chute qui sera la Délivrance – pour nous et pour toute la planète.


1 Une tendance qui existait réellement dans le SS-Hauptamt, regroupée autour de l’officier SS Richard Hildebrandt. C’est à l’initiative de ce groupe que fut publiée la « Déclaration de Charlottenburg », en octobre 1944. Ce texte, qui rejetait le pangermanisme impérialiste, prévoyait de « construire la Confédération Européenne, la communauté associative et socialiste des peuples d’Europe ». Un virage judicieux mais bien trop tardif…

2 L’existence de quelques quadrimoteurs allemands à long rayon d’action, le périple des  derniers U-Boots en route vers le Japon ou l’Argentine, l’intérêt des nazis pour les cathares, le Tibet et le pôle Sud, etc.

3 A l’appui de cette thèse, les amateurs de « mystères » citent souvent une déclaration  supposée de l’amiral Dönitz : « La flotte sous-marine allemande est fière d’avoir construit un paradis terrestre, une forteresse inexpugnable pour le Führer, quelque part dans le monde ». Cette citation très douteuse, supposée avoir été publiée dans le journal chilien « El Mercurio » entre 1942 et 1943 (d’après Miguel Serrano), est reprise dans plusieurs livres de J.M. Angebert, de Robert Charroux et d’autres auteurs populaires.

4 Le plus curieux est que le sionisme international semble s’intéresser réellement à la Patagonie. D’après les milieux nationalistes argentins et chiliens, des centaines de milliers d’hectares auraient déjà été achetés par les intérêts sionistes, à travers des intermédiaires. La Patagonie est déjà citée comme un objectif dans le livre de Théodor Herzl en 1895, et elle recèle les plus importantes réserves d’eau de la planète, ainsi que des minerais d’intérêt stratégique. Toujours d’après ces milieux nationalistes sud-américains, ce plan sioniste s’appellerait la « Nouvelle Judée ».

5 L’ésotériste SS Otto Rahn les avait vainement cherchées dans ces mêmes parages. Voir à ce sujet l’excellent livre d’Ernesto Milà, Nazisme et ésotérisme (Pardès 1990).

6 C’est aussi le cas de Toulouse, entre autres.

7 Saint Loup précise : « entre les monts Syverma et le fleuve Léna ».