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IX

LE RENVERSEMENT DES VALEURS
ANTHROPOCENTRIQUES.

Eveillez, secouez vos forces enchaînées,
Faites couler la sève en nos sillons taris ;
Faites étinceler, sous les myrtes fleuris,
Un glaive inattendu, comme aux Panathénées
.”
Leconte de Lisle (“L’Anathème” : Poèmes Barbares)

L’accroissement démographique est, comme j’ai essayé de 1e montrer plus haut, à la fois conséquence et cause toujours renouvelée du développement des techniques, — conséquence de la conservation, grâce aux perfectionnements de la médecine et de la chirurgie, d’un nombre de plus en plus considérable de gens qui, normalement, ne devraient pas vivre ; et cause des efforts d’esprits inventifs, en vue de créer des moyens de satisfaire les besoins, réels ou supposés, d’une population qui se multiple, souvent malgré l’absence d’hygiène protectrice, à plus forte raison si une telle hygiène s’y répand. C’est un cercle vicieux, et d’autant plus tragique qu’il ne peut vraissemblablement être rompu qu’à l’échelle mondiale. Il serait criminel, en effet, d’encourager, chez les peuples les plus nobles et les plus doués, une dénatalité qui les exposerait, à armes égales, — ou simplement dans la paix fatale d’une “société de consommation” indéfiniment étendue, au fur et à mesure des progrès techniques — à s’effacer devant des variétés humaines qualitativement inférieures à eux, mais dangereusement prolifiques, et dont la démographie échappe à tout contrôle.

Personne n’était, plus qu’Adolf Hitler, conscient de ce fait, auquel il accorde, dans sa politique, une place qu’il n’avait jamais eue sous aucun régime, même raciste, du passé. Et c’est peut-être en cela plus qu’en tout autre chose qu’apparaît l’opposition flagrante du Troisième Reich allemand aux tendances maîtresses du monde moderne.

Ces tendances s’expriment dans le précepte cent mille fois

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rabâché : “Live and let live” — “Vivre et laisser vivre” — appliqué (et cela est à souligner) aux hommes de toutes races comme de tous degrés de santé ou de maladie physique ou mentale, mais à l’homme seul. C’est le précepte contraire que nos protecteurs du sacro-saint mammifère à deux pattes appliquent aux quadrupèdes, cétacés, reptiles, etc, ainsi qu’à la gent ailée et à la sylve. Là, il s’agit de “laisser vivre” tout au plus ce qui ne gêne pas l’expansion indéfinie de n’importe quelle variété d’hommes et même, à la limite, uniquement ce qui favorise cette expansion — comme c’est, semble-t-il, le cas, en Chine communiste, où n’ont “droit de vivre” que les animaux “utiles”, c’est-à-dire exploitables.

L’éternelle gloire d’Adolf Hitler, — et, peut-être, le signe le plus éclatant qu’il était, par excellence, l’homme “contre le Temps” ; l’homme de la dernière chance de redressement non plus partiel, mais total — est, justement, d’avoir renversé cet ordre de choses. C’est sa gloire à tout jamais d’avoir, — et cela, jusque dans un pays en pleine guerre, où tant de problèmes urgents s’imposaient en priorité, — “laissé vivre” la Nature : protégé (dans la mesure du possible) les forêts et leurs habitants ; pris nettement position contre la vivisection ; repoussé, pour lui-même, toute nourriture carnée et rêvé de supprimer graduellement les abattoirs, “après la victoire” (quand il aurait eu les mains libres)1. C’est sa gloire d’avoir, bien plus, raillé le zèle déplacé des amateurs de chiens, chats, ou chevaux “de race”, indifférents à la pureté de leur propre descendance, et appliqué cette fois-ci, à l’homme au nom de l’élite humaine, le principe même qui avait, pendant des millénaires, réglé le comportement de l’homme vis à vis de la bête et de l’arbre : “laissé vivre” seulement ce qui ne gênait pas l’épanouissement de cette élite ; à la limite, seulement ce qui le favorisait — ou du moins fait tout ce qui était matériellement possible dans ce sens, dans un monde où, malgré son pouvoir, il devait encore compter avec une opposition constante.

J’ai rappelé plus haut2, l’encouragement que donnait le Führer à la natalité allemande. Le peuple allemand, à la fois


1. Déclaration d’Adolf Hitler à J. Goebbels, le 26 Avril 1942. (Voir plus haut, p. 104)
2. Pages 177, 178, 179.

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le plus doué d’Occident, le plus discipliné et le plus dur à la guerre, devait être le principal réservoir de la future aristocratie européenne. (N’avait-il pas déjà été celui de l’ancienne aristocratie du continent ? le peuple d’où étaient sortis, avec les Francs, tous les seigneurs de l’Europe du Moyen-Age ?)1. Il fallait que ce réservoir demeurât inépuisable. Or, “l’être d’exception, dans une famille, est souvent le cinquième, le septième, le dixième ou la douzième enfant”2 et la limitation des naissances amène, à plus ou moins longue échéance, la chute des peuples les plus forts, — comme elle a, remarquait le Führer3, entraîné la fin du monde antique en affaiblissant numériquement ses maisons patriciennes, en faveur d’une plèbe qui se multipliait sans cesse et fournissait de plus en plus de fidèles au Christianisme niveleur. Il fallait donc honorer les mères de familles nombreuses.

Mais il ne s’ensuit pas qu’à l’instar de nos amis de l’homme, Adolf Hitler ait contemplé avec satisfaction l’idée d’une Terre indéfiniment exploitée par une population indéfiniment accrue. Loin de là ! Même en Allemagne, l’encouragement systématique de la natalité ainsi que la protection de l’enfant sain et de bonne race, étaient doublés d’une sévère politique de sélection que, dès avant la prise de pouvoir, la diffusion de “Mein Kampf” avait révélée au public4. Expression même de cette politique, la loi du Troisième Reich prévoyait la stérilisation des malades incurables, des tarés, des déficients, ainsi que des Allemands plus ou moins métissés de sang non-aryen, — juif, ou autre, — qui risquaient de transmettre leurs infirmités, physiques ou mentales, ou leur infériorité raciale, à des descendants. Elle interdisait formellement, sous peine de travaux forcés, aussi bien tout mariage que toutes relations sexuelles extra-conjugales entre Juifs et Allemands on gens “d’un sang apparenté”5 (artverwandt), c’est-à-dire aryen, et plus spécialement germanique.

Stricte, comme on le voit, pour l’ensemble du peuple, elle l’était encore bien davantage pour les membres de ce corps


1. Sauf ceux d’origine scandinave, eux aussi, d’ailleurs, des Germains.
2. “Libres propos sur la Guerre et la Paix’ page 74.
3. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, page 254.
4. “Mein Kampf”, en particulier les pages 279-280 des éditions ultérieures (1935, 1936, etc.).
5. Lois de Nuremberg, de Septembre 1935.

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d’élite — véritable aristocratie nordique, à tous les points de vue, — que représentait la S.S. Ceux-ci étaient tenus de se marier. C’était, pour eux, un devoir envers la race, — et aussi un ordre du Reichsführer S.S., Heinrich Himmler1. Et on leur demandait d’avoir le plus d’enfants possible. Mais ils ne pouvaient choisir leur épouse qu’avec l’autorisation du “Bureau S.S. des races” (S.S. Rassenamt) qui examinait avec la dernière rigueur l’arbre généalogique de la jeune fille, ainsi que son état de santé et celui de ses antécédants.

Et, s’ils devaient donner la vie à profusîon, ils devaient aussi se montrer prodigues de leur propre sang, sur tous les champs de bataille. C’est à eux qu’étaient confiées les missions, qui exigeaient le courage le plus soutenu, l’endurance la plus surhumaine, le mépris le plus total de la souffrance et de la mort. Il suffit de comparer les pertes subies par ces hommes sur tous les fronts, mais surtout sur le front de l’Est, à celles des autres unités militaires allemandes et des meilleures armées étrangères, pour sentir combien la vie d’un individu d’élite, et à fortiori celle d’un individu quelconque, comptait peu, en Allemagne nationale-socialiste, quand il s’agissait du service du Reich. Certes, la natalité y était encouragée, et cela d’autant plus que la qualité — physique et psychique — des parents était plus parfaite. Certes, aucun Allemand et aucune Allemande de sang pur ne devait chercher à tromper la nature en se servant de contraceptifs, et risquer ainsi de priver la race d’un sujet exceptionnel2. Mais, d’autre part, la guerre, dont le Führer prévoyait, même “après la victoire”, la quasi-permanence en bordure des territoires conquis, comme autrefois aux frontières mouvantes de l’Empire romain ; la guerre, “état naturel de l’homme”3 — comme il disait lui-même, se chargeait, et continuerait de se charger de la limitation du nombre des adultes, tant et si bien qu’une famile de S.S. ne pouvait entrevoir de probabilité de survie, . . . que si elle comptait au moins “quatre fils”4.


1. Ordre An° 65. du 31 Décembre 1931.
2. “Sait-on ce qu’on perd du fait de la limitation des naissances ? L’homme tué avant sa naissance, c’est l’énigme.” (Mots prononcés par Adolf Hitler dans un entretien du 19-20 Août 1941. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, p. 29.
3. Rauschning, “Hitler m’a dit”, p. 22.
4. “Libres propos”, p. 74.

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En d’autres termes, au rêve de paix perpétuelle dans un inonde rabougri, où l’homme aurait fait de la Nature la servante de ses petits plaisirs et de sa petite santé, Adolf Hitler a opposé celui de la lutte permanente — de la “révolution perpétuelle” — à la fois joie et devoir des Forts, seuls debout au milieu de l’universelle déchéance. A la confortable loi du moindre effort, il a opposé la vieille Loi de la Jungle : l’idéal de la vie à la fois débordante et précaire ; de la vie dangereuse. A la formule qu’une jeunesse dépenaillée, vidée, prétentieuse et pouilleuse, devait bientôt diffuser dans le monde de cauchemard qui a suivi l’effondrement du Reich : “Make love ! Don’t make war !”, il a opposé d’avance la loi de l’aristocratie anglaise d’autrefois : “To breed ; to bleed ; to lead”, — “procréer ; verser son sang ; être les chefs.”

Mais ce n’est pas tout. Un des traits les plus déprimants de l’Age Sombre tirant à sa fin est, certes, le pullulement désordonné de l’homme. Malthus en avait, il y a plus a de cent cinquante ans, déjà signalé les dangers, mais en se plaçant du seul point de vue économique. Nos optimistes d’aujourd’hui tentent de lui zépondre en évoquant les nouvelles possibilités d’exploitation de la terre, et même de la mer, qui permettraient, selon eux, de voir sans inquiétude quintupler, voire décupler, la population humaine de la planète. Mais les dangers subsistent, et s’affirment de plus en plus, car l’accroissement global du nombre d’hommes s’effectue aujourd’hui en progression non plus “arithmétique” mais géométrique. Et il semble bien que maintenant, — plus d’un quart de siècle après la défaite de l’Allemagne nationale-socialiste, — le point ait été atteint au-delà duquel rien, sinon une gigantesque intervention extérieure, humaine ou . . . divine, ne saurait l’arrêter, — à plus forte raison faire décroître la population du monde jusqu’au niveau où elle cesserait de mettre en péril l’équilibre naturel.

Or, plus que tout autre, le Führer était conscient de la catastrophe que représentait déjà, (et que représente de plus en plus), le surpeuplement de certaines régions de la terre — et pas seulement en raison de l’inévitable poussée à plus ou moins brève échéance, des “affamés” contre les “nantis”. Ce qu’il redoutait surtout, c’était la disparition graduelle des élites naturelles, des élites raciales, sous la marée montante de multitudes biologiquement inférieures même si, çà et là, quelque digue pouvait

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être érigée afin de les protéger. Car ii est à noter que, du moins à notre époque, ce sont, en général, les races les moins belles et les moins douées et, au sein d’un même peuple, les éléments les moins purs, qui sont les plus prolifiques.

Ce que le Défenseur de l’élite aryenne redoutait aussi, c’était l’abaissement du niveau physique, intellectuel et moral — la perte de qualité — des générations à venir. C’est là, en effet, un résultat, statistiquement fatal, de l’accroissement illimité du nombre des humains, même “de bonne race”, dès que la sélection naturelle est battue en brèche par l’application généralisée de la médecine, de la chirurgie, et surtout de l’hygiène préventive, facteurs de sélection à rebours. Aussi, son programme d’assainissement du peuple allemand, (et, s’il avait gagné la guerre, des peuples d’Europe) comportait-il, parallèlement à la stérilisation des incurables, capables, malgré tout, de justifier leur propre existence par quelque travail utile, la pure et simple suppression physique (sans souffrance, cela s’entend,) des êtres n’ayant d’humain que la forme — et encore ? — tels que les monstres, les idiots, les débiles mentaux, les fous, etc. Il était conçu dans le sens d’un retour définitif à la saine Nature, qui pousse l’oiselle à jeter l’oisillon mal-conformé hors du nid ; aussi, dans l’esprit de l’éleveur qui, des portées de ses chiennes ou de ses juments, retire et supprime sans hésitation les sujets difformes, ou trop faibles pour survivre sans des soins constants. Il était conçu dans l’esprit du divin Lycurgue, législateur de Sparte. Et l’on sait que les lois de Lycurgue lui avaient été dictées par l’Apollon de Delphes, — “l’Hyperboréen.”

Malheureusement, ce programme n’a connu qu’un début d’application. L’opposition farouche des Eglises chrétiennes, tant catholique que protestantes, a résulté en une “remise à plus tard” des mesures draconiennes qu’il comportait. Adolf Hitler était trop réaliste pour heurter de front, en pleine guerre, les préjugés que onze cents ans d’anthropocentrisme chrétien avaient ancrés dans le psychisme de son peuple, — et pour braver les sermons indignés de quelques évêques, tel von Galen, de Münster. Il aurait été difficile de mettre ces prélats (et, on particulier, celui-ci) en état d’arrestation, sans risquer de provoquer, chez leurs ouailles, une désaffection on ne peut plus inopportune, à l’égard du régime. C’est ainsi que (entre autres) les quelque dix-mille débiles mentaux de l’asile de Béthel, près de Bielefeld,

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ont survécu à la chute du Troisième Reich, — je le répète : malheureusement.

Il reste vrai que l’élimination physique des déchets humains était, avec la stérilisation des malades incurables mais encore “utilisables” à titre de “facteurs économiques”, un aspect essentiel de la lutte d’Adolf Hitler contre la décadence. La suppression pure et simple de la médecine et de l’hygiène préventive, devait, logiquement, en être un autre aspect. Et elle en aurait, sans doute, été un autre aspect, dans une Allemagne victorieuse qui aurait dominé l’Europe, et n’aurait plus rien eu à craindre de la menace de multitudes prolifiques, massées à l’Est, sous le commandement de chefs qui avaient identifié la vieille cause du Panslavisme avec celle du Marxisme-Léninisme. Mais, vue la tragique réalité de cette menace, — et de celle que représentait, à plus longue échéance, et pour de tout autres raisons, le surpeuplement de la Terre entière — c’était d’abord à cette prolifération étrangère qu’il fallait mettre un frein.

Dans un entretien du 15 Janvier 1942, le Führer fait allusion à l’augmentation “alarmante” de la population des Indes ; augmentation de cinquante-cinq millions en dix ans1 — d’autant plus alarmante, devrait-on dire, que, dans ce lointain et dernier bastion d’une tradition, religieuse et métaphysique proprement aryenne, ce sont les basses castes, les aborigènes et les Eurasiens, — les non-Aryens et les métisses, — qui se multiplient à la cadence la plus folle, tandis que les quelques millions d’Aryens qui ont réussi, soixante siècles durant, à survivre, plus ou moins. purs, dans une vaste ambiance multiraciale, représentent une minorité de plus en plus restreinte, et jouissent (et jouissaient déjà en 1942), grâce au parlementarisme introduit par les Britanniques, de moins en moins d’influence politique. Mais cette tragédie ne concernait pas l’Allemagne en guerre. Le Führer poursuit ; “Nous assistons au même phénomène en Russie ; les femmes y ont chaque année un enfant. La principale raison de cette augmentation, c’est la diminution de la mortalité, due aux progrès de l’hygiène. A quoi pensent nos médecins ?”2. Là, il s’agit de la menace directe de masses indéfiniment accrues, qui risquent de submerger et de dissoudre dans leur sein les futurs


1, “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, page 203.
2. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, page 203.

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colons allemands des Marches de l’Est et, en attendant, d’amollir les combattants de l’armée allemande les moins détachés de l’humain-trop-humain ; masses aryennes, sans doute, mais non germaniques, et que la fatalité de l’histoire a opposées aux Germains dès le Moyen-Age, et, plus tard, parfois métissées de sang mongol. Il s’agit d’un danger pour le peuple allemand et pour l’équilibre du monde nouveau que le Führer rêvait de fonder : l’Empire pan-européen, sinon pan-aryen, dominé par l’Allemagne.

Adolf Hitler voulait parer à ce danger, et il se doutait bien que l’interdiction des mesures d’hygiène préventive n’y suffirait pas. Aussi avait-il, si l’on en croit le reportage de Rauschning, envisagé des mesures plus radicales — toujours dans l’esprit de l’immémoriale Loi de la Jungle ; de la “lutte pour la vie”, que l’homme supérieur a à appliquer avant tout à d’autres hommes, de qualité inférieure à la sienne, car ce sont eux ses véritables rivaux sur terre : eux, et non les nobles fauves, aristocrates de la forêt, de la savane ou du désert, ses “équivalents” dans le monde privé du mot ; eux, et non les arbres, parure du sol. “La Nature est cruelle”, avait déclaré le Combattant “contre le Temps” ; “nous avons donc le droit de l’être aussi. Au moment où je vais lancer dans l’ouragan de fer et de feu la fleur du Germanisme, sans éprouver le regret du sang précieux qui va couler à flots, qui pourrait me contester le droit d’anéantir des millions d’hommes de races inférieures, qui se multiplient comme des insectes, et que je ne ferai d’ailleurs pas exterminer, mais dont j’empêcherai systématiquement l’accroissement ? — par exemple en séparant pendant des années les hommes des femmes”1. . . . Et encore : “Depuis tant de siècles qu’on parle de la protection des pauvres et des misérables, le moment est peut-être venu de préserver les forts, que menacent leurs inférieurs.”2

Enfin, il est à peine utile de rappeler que cette “économie dirigée des mouvements démographiques”3, au moyen de laquelle il espérait pouvoir, en dehors du monde germanique, enrayer cette tendance au surpeuplement caractéristique de l’Age Sombre, ne


1. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p. 159-60.
2. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p. 160.
3. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p. 160.

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représentait qu’un aspect de son activité à contre-courant des tendances de cet Age. Une action parallèle, plus visible et plus brutale, — comme celle, tant décriée et si mal comprise, des Einsatzgruppen, devait, plus tard la compléter. Tandis que toute la sagesse du Führer doit être présentée comme un retour aux Principes éternels, ses méthodes ne manquent pas de rappeler celles de l’Antiquité, par la totale absence de “cas de conscience” et partant, de remords, tarit chez lui, qui en était le responsable, que chez les hommes qui les appliquaient. La suppression des déchets humains au sein même de son propre peuple, fait penser au traitement sommaire réservé, à Sparte, aux nouveaux-nés mal-venus, que les éphores jugeaient indignes — d’être élevés. Et l’action de ses Einsatzgruppen en Pologne et en Russie, — parmi la pléthore des populations asservies et toujours prêtes à la révolte — rappelle singulièrement celle de l’impitoyable kryptéia spartiate parmi les Hîlotes. L’une et l’autre furent avant tout une action de défense préventive, contre un grouillement de vaincus que la seule conscience de leur nombre incitait à relever la tête, et qu’un rien pouvait pousser à s’ériger en force contre leurs conquérants.

Une déclaration enthousiaste du Führer montre, d’ailleurs, mieux que de longs commentaires, son attitude éminemment révolutionnaire et son mépris du monde moderne, qu’il savait, de toute façon, condamné, et qu’il rêvait de détruire : “Eh bien, oui, nous sommes des Barbares, et nous voulons être des Barbares. C’est un titre d’honneur. Nous sommes ceux qui rajeuniront le monde. Le monde actuel est près de sa fin. Notre seule tâche est de le saccager.”1

De le saccager afin de construire sur ses ruines un monde en accord avec les valeurs éternelles ; avec le sens original des choses.”2

* * *

On peut rapprocher l’action enterprise, en Allemagne et dans les pays occupés par les armées du Troisième Reich, contre les Juifs, de celle des Einsatzgruppen dans les territoires de l’Est.


1. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p. 160.
2. Adolf Hitler, “Mein Kampf”, édition allemande de 1935, p. 440.

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Dans les deux cas il s’agissait, selon les instructions transmises par Reinhardt Heydrich, en Mai 1941, aux chefs de ces dernières, de “détruire sans merci toute opposition passée, présente et future au National-socialisme”1, c’est-à-dire d’éliminer le plus possible d’ennemis actuels ou potentiels de la nouvelle foi et du nouvel Empire germaniques. Dans les deux cas, l’action révèlait une échelle de valeurs en parfaite opposition avec tout anthropocentrisme, — ou encore, une échelle de valeurs complètement dénuée d’hypocrisie. Car la guerre est en soi la négation de toute foi ou philosophie anthropocentrique, — surtout la guerre entre hommes de race et de civilisation différentes, dont les uns considèrent l’habitat des autres comme nécessaire, ou favorable, à leur propre développement. Himmler faisait remarquer que les pionniers anglo-saxons en Amérique du Nord avaient “exterminé les Indiens qui ne demandaient qu’à vivre sur leur terre natale”2. Et les plus farouches anti-Hitlériens sont bien forcés d’admettre qu’il disait vrai, et qu’il n’existe aucun “respect de la personne humaine” dans l’attitude des fondateurs des U.S.A. vis à vis des véritables Américains. Il est trop facile, après-coup, quand on a installé sa démocratie sur toute la surface d’un continent pratiquement vidé de ses habitants, dont on a détruit la race de la manière la plus lâche : — par l’alcool, il est facile alors, dis-je, de proclamer que l’ère de la violence est révolue ; d’interdire à d’autres de se tailler un “espace vital” comme on s’en est soi-même taillé un et, au cas où leur effort se solde par un échec, de les faire comparaître devant un “Tribunal international” de parodie, en tant que “criminels contre l’humanité”. C’est facile. Mais cela accuse le mensonge ; la mauvaise foi. Cela accuse aussi une secrète et sordide envie : — celle du nain, à l’égard du géant ; celle du ploutocrate en quête de nouveaux marchés, à l’égard du guerrier capable de violence franche et détachée ; celle, aussi, de tous les fiers citoyens de puissances coloniales branlantes, à l’égard du Troisième Reich conquérant, au faîte de sa gloire.

Dans ces deux actions, — celle des Einsatzgruppen en Pologne et en Russie, et celle contre les Juifs, partout, — les responsables du Troisième Reich ont fait traiter ou laissé traiter des hommes


1. Cité par André Brissaud dans “Hitler et l’Ordre Noir”, édition 1969, p. 319.
2. Confidences à Kersten (Voir le livre de Kersten : “Les mains du miracle”, p. 319.)

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de pays conquis comme les fondateurs des U.S.A. avaient traité les Peaux-Rouges, mais avec la tartuferie en moins. Ils ont ouvertement admis que “la tragédie de la grandeur est de créer une vie nouvelle en foulant des cadavres”1 — cadavres dont peu importe le nombre, si la “vie nouvelle” est plus près de son prototype divin, si elle est plus fidèle aux valeurs suprêmes, que la vie qui disparaît. Et ils ont sincèrement cru qu’elle l’était, ou le serait. (Et elle l’aurait, en effet, été, si l’Allemagne avait gagné la guerre.)

De plus, ils ont agi et fait agir sans haine et sans sadisme.

Au procureur américain Walton, qui l’interrogea durant son procès, après le désastre, le Gruppenführer S.S. Otto Ohlendorf, Commandant en chef de l’Einsatzgruppe D, déclara qu’un homme “qui montrait du plaisir à ces exécutions, était renvoyé”2 — ce qui veut dire que ces exécutions étaient considérées en haut lieu, ainsi que dans les rangs de la S.S., comme une désagréable nécessité ; comme une tâche à accomplir sans hésitation certes, mais sans joie comme sans dégoût, avec une sereine indifférence, dans l’intérêt du Reich allemand et bientôt pan-aryen, qui était aussi “l’intérêt de l’Univers”3. En effet, dans l’esprit du Chef suprême, Adolf Hitler, l’expansion et la transformation du Reich devaient amorcer un “redressement” mondial, au sens traditionnel du mot.

Mais si, dans la pratique, un “Commissaire du Peuple”, Communiste slave4, était tué comme “ennemi du Reich”, aussi bien qu’un Juif, il reste vrai qu’il y avait une nuance, — une différence de signification — entre ces deux actions. Le Communiste slave était, — de même que tout Communiste ; de même que bon nombre de non-Communistes, tels que ces nationalistes de l’intelligentsia polonaise, eux aussi fusillés par les commandos des Einsatzgruppen, — considéré comme personnellement dangereux. En le tuant, on éliminait un ennemi, vrai ou supposé. (On n’avait pas le temps d’examiner chaque cas particulier et de voir si, peut-être, quelques individus de valeur n’auraient pas pu être, à la longue, amenés à donner leur adhésion à la nouvelle Europe dominée par l’Allemagne). Le Juif, — en plus du danger qu’il pouvait représenter, et qu’il représentait souvent, personnellement,


1. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, édition de 1969, p. 309.
2. Cité par André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, p. 324.
3. La Bhagawad-Gîta, III, verset 25.
4. Beaucoup de Commissaires du Peuple en Russie soviétique étaient alors Juifs, mais ils me l’étaient pas tous, tant s’en faut.

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— était, lui, tenu pour dangereux dans son essence même : de par son appartenance au peuple dont le rôle historique a été de répandre dans le monde les contre-vérités et les contre-valeurs, source de subversion, source d’“Anti-nature” ; le peuple “élu” des Puissances d’En-bas (exacte antithèse de l’Aryen et surtout de l’Allemand), sans lequel n’auraient vu le jour ni le Marxisme, ni le Jacobinisme, ni le Christianisme — ce “Bolshevisme de la société antique”, comme l’a si bien dit le Führer, — ni aucune des formes de la superstition de “l’homme” et de son “bonheur” à tout prix. Il symbolisait la victoire de l’Age Sombre, que les initiés savent inévitable, mais qu’ils s’efforcent, malgré tout, de repousser le plus longtemps possible, s’ils ont une âme éprise de combat. Son élimination était, plus encore que celle des gens de toutes races qui avaient cru à ses mensonges, un défi jeté aux Forces de désintégration. Car il était l’élémént “impur”. Himmler l’a, dans plus d’un discours, assimilé aux insectes parasites dont la présence dégrade la chevelure la plus belle, le corps le plus robuste. Et il voyait dans sa suppression “non une question d’idéologie, mais une affaire de propreté.”

Et cependant . . . S’il existe un ordre aux chefs des Einsatzgruppen d’éliminer sans merci “les ennemis du National-socialisme” (y compris les Juifs, cela s’entend), il n’existe aucun document allemand prouvant que la “solution finale du problème juif” signifiait la “liquidation physique totale des Juifs”. Dans le fameux Protocole de la Conférence de Wamsee, du 18 Janvier 1942, dont un auteur aussi impartial qu’André Brissaud met d’ailleurs en doute l’authenticité1, on a, au cours des procès échaffaudés après la guerre, avec la mauvaise foi qu’on sait, à l’égard de la S.S, du S.D. (Sicherheitsdienst), de la Gestapo, etc., traduit par “extermination des Juifs dans l’espace vital allemand” la phrase qui signifie en réalité “refoulement des Juifs hors de l’espace vital allemand” : — Zurückdrângung der Juden aus dem Lebensraum des deutschen Volkes2. Et il semble bien que, d’abord, ce soit seulement de “refoulement” et non d’extermination indiscriminée qu’il se soit agi, et cela, malgré la hargne


1. A. Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, édition 1969, p. 309.
2. Citée in extenso par Hans Grimm, “Warum ? Woher ? Aber Wohin ?”, édition 1954, p. 187.

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des Juifs du monde entier, malgré la retentissante “déclaration de guerre au Reich allemand” lancée de New-York, dès le début d’Août 1933, par Samuel Untermayer, Président de l’“International Jewish Economic Federation to combat the Hitlerite oppression of Jews” . . . alors qu’il n’y avait encore eu, en Allemagne, ni “oppression” ni persécution ; malgré l’appel de Wladimir Jabotinski, — futur chef de l’organisation terroriste juive Irgoun Zwi Leumi, — dans la revue juive Masha Rietsch de Janvier 1934, à “l’extermination de tous les Allemands”.

Cela semble d’autant plus vrai qu’avant la guerre, le sous-groupe IV 134 du Reichssicherheitshauptamt (R.S.H.A.) lui-même s’occupait, en collaboration étroite avec la Haganah, organisation sioniste clandestine, de l’envoi des Juifs du Reich en Palestine, alors sous mandat britannique, et cela, malgré l’opposition du Gouvernement de Londres. C’est ainsi que, en 1938 et durant les premiers mois de 1939, près de quatre cent mille Juifs quittèrent le territoire allemand, en plein accord avec les autorités nationales-socialistes.1 Je ne parle pas de ceux qui le quittèrent sans y être forcés, de 1933 à 1938, ou avant 1933.

Bien plus, les célèbres “Lois de Nuremberg”, de Septembre 1935, qui reflètent on ne peut mieux l’esprit de la révolution hitlérienne et du racisme aryen le plus pur, tout en niant aux Juifs (comme d’ailleurs à tous les non-Aryens) la possibilité d’acquérir la nationalité allemande et en leur interdisant “d’arborer les couleurs allemandes ou de hisser le drapeau national du Reich”, leur donnait le droit “de hisser les couleurs judaïques”. L’exercice de ce droit, il était spécifié, était “placé sous la protection, de l’Etat”2, ce qui prouve bien qu’à cette époque encore, les Israëlites étaient — et cela, malgré leur rôle historique de “ferment de décomposition”, — considérés en Allemagne national-socialiste, certes comme des étrangers, dont il convenait de se méfier et qu’il fallait tenir à distance, mais non pas comme “une vermine” à détruire.

Les choses vont changer en 1941 et surtout en 1942, et de plus en plus à mesure que la Seconde Guerre mondiale deviendra plus implacable, plus “totale,” et cela, grâce surtout à ces “millions de Non-Juifs, amis des Juifs”, dont Samuel Untermayer


1. A. Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, p. 307.
2. Article 4 de la Troisième Loi de Nuremberg.

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avait prévu, presque dix ans auparavant, la bienveillante collaboration avec ses frères de race, dans leur lutte à mort contre le Troisième Reich.

Car dès Mai 1940, commence l’attaque massive de l’aviation anglaise, dirigée délibérément contre la population civile allemande. Le général anglais Spaight s’en vante assez dans son ouvrage “Bombing vindicted” (“Le bombardement justifié”). Et le déluge de phosphore et de feu ne fait que s’intensifier après l’entrée en guerre des U.S.A. jusqu’à transformer, nuit après nuit, des villes allemandes entières en brasiers. On évalue à environ cinq millions le nombre de civils allemands, femmes, vieillards, enfants, qui sont morts au cours de ces bombardements féroces : écrasés sous les décombres fumants ; ou brûlés, vifs dans leurs abris envahis par l’asphalte liquide, en flammes, qui s’y déversait des rues en fusion.

Le Führer n’avait pas, dès 1933 au lendemain de la “déclaration de guerre” de plusieurs des leurs au nom d’eux tous, fait interner tous les Juifs d’Allemagne, comme il l’aurait alors pu1. Il se sentait assez fort pour être généreux, et d’ailleurs, le côté lumineux l’emportait, dans sa psychologie, sur le côté implacable. Il avait laissé partir tous ceux qui le désiraient — partir avec leur argent, dont ils se servirent immédiatement pour dresser l’opinion mondiale contre lui et contre son pays. Il avait tout fait, tout essayé, pour leur faciliter l’enracinement paisible hors de l’espace vital germanique ; mais aucun gouvernement n’avait accepté de les accueillir en masse sur son territoire ou dans ses colonies. Maintenant, c’était la guerre. Et c’était une guerre juive, comme ils le proclamaient eux-mêmes à qui voulait bien les entendre ; une guerre faite par des Aryens, dont la propagande juive avait, pendant des années, exploité le sens de l’interêt (mal compris), le nationalisme étroit et jaloux, et surtout cette superstition de “l’homme” héritée à la fois du Christianisme et de Descartes ; une guerre faite contre les Allemands en tant qu’ “ennemis de l’humanité” et contre la Weltanschauung nationale-socialiste en tant que “négation de l’homme”. C’était


1. Si, par la bouche de ses représentants responsables, une nation, quelle qu’elle soit, déclare la guerre à la France, tous les ressortissants de cette nation, domiciliés en France, ne seront-ils pas immédiatement internés ?

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l’enfer déchaîné contre l’Allemagne par les Juifs, au nom de “l’homme”.

Personne, certes, s’il n’est de ceux qui “vivent dans l’éternel”, ne peut se targuer de connaître la pensée profonde d’Adolf Hitler. Toutefois, il est logique de présumer qu’à l’origine du durcissement qui s’est manifesté dès 1941, mais surtout plus tard, dans son attitude envers les Juifs, il y a eu, chez lui, une réaction violente contre cette superstition de “l’homme” et toute la morale qui en découle, à la vue de l’horreur quotidienne et sans cesse croissante des “nettoyages au phosphore”, comme leurs auteurs, les bombardiers anglo-américains, les appelaient1. Si c’était là l’application de la morale de “l’homme”, acharnée à écraser le National-socialisme en brûlant vif, femmes et enfants compris, le peuple qui l’avait acclamé et porté au pouvoir, alors, pourquoi hésiter davantage à lui opposer, jusque dans ses dernières conséquences, l’immémoriale morale de la Jungle : celle de la lutte à mort entre espèces incompatibles ?

Le Führer n’a peut-être pas ordonné les suppressions massives de Juifs, sans distinction de sexe ou d’âge, tant dans les espaces conquis de l’Est (où ils se confondaient d’ailleurs très souvent avec les plus dangereux francs-tireurs et saboteurs), que dans les camps de concentration. Mais il a laissé agir ses collaborateurs les plus portés aux mesures radicales — tel un Goebbels qu’il avait pourtant sévèrement réprimandé2 au lendemain de la nuit bien connue du “pogrom” populaire du 9 au 10 Novembre 1938, dite Kristallnacht. Heinrich Himmler et Reinhardt Heyrich n’ont fait qu’exécuter les mesures suggérées, dont le Führer acceptait toute la responsabilité.

* * *

Mais c’est surtout l’aspect proprement constructif de l’Hitlérisme qui en fait la philosophie de combat de l’élite contre le nivellement — contre la “réduction en masse” (Vermassung) — et l’instrument d’un redressement in extremis de l’humanité aryenne et, à travers elle, de toute vie terrestre, contre le courant du Temps.


1. Sauvageon, auteur d’après-guerre, à donné ce titre cynique à l’un de ses romans.
2. Hans Grimm, “Warum ? Woher ? aber Wohin ?” p. 84.

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Je l’ai dit et répété tout au long de ces entretiens : l’“Ordre nouveau” du Führer — celui qu’il voulait et que, malheureusement, la pression des Forces sombres du monde entier devait écraser avant son installation, — n’avait rien de “nouveau”. Cétait l’ordre le plus ancien qui puisse être : l’ordre “originel” des choses, solidement basé sur les vérités éternelles qui dominent et conditionnent cette manifestation particulière de l’Etre qu’est la vie.

Mais sa résurgence à notre stade avancé de l’Age des contre-vérités par excellence (et à fortiori, plus tard encore), ne pouvait et ne pourra jamais avoir lieu que grâce au combat. C’est pour cela que l’idée de combat sans relâche, — de “révolution perpétuelle”1 — est inséparable de l’Hitlérisme. Elle en sous-tend aussi bien les créations les plus positives, dans tous les domaines, que les mesures de défense les plus implacables contre la corruption de la race ou contre les saboteurs du régime. L’intolérance hitlérienne n’est, jusque dans son agressivité, qu’une intolérance défensive : — une réaction, comme j’ai essayé de le montrer, contre l’intolérance millénaire du Judaïsme et de son “Dieu jaloux”, et contre celle des entités non moins “jalouses” (“conscience universelle”, “démocratie”, etc.) auxquelles croit un monde de plus en plus judaïsé. L’Hitlérisme lui-même n’est, jusque dans son élan conquérant, qu’un mouvement de défense, de protection, de résurrection des valeurs fondamentales de la Vie, niées en Occident depuis des siècles. C’est la défense de l’Ordre idéal, plus ou moins apparent dans les sociétés antiques les plus vénérables, contre tous les métissages, tous les nivellements, toutes les sélections à rebours, tous les renversements contre-nature ; contre la pression désintégrante de ce qu’il est convenu d’appeler “progrès” et qui n’est, au fond, que l’affirmation toujours plus lancinante de l’anthropocentrisme. Il est, je le répète encore, impensable en dehors de l’Age Sombre.

Quand je parle de son “aspect constructif”, je n’ai pas spécialement en vue les réalisations spectaculaires, matérielles, sociales ou même culturelles du Troisième Reich allemand : pas la remise sur pied de l’économie nationale, presque du jour au lendemain ; pas les diverses initiatives ou institutions que l’on pourrait appeler “philanthropiques”, si les dirigeants du régime eux-mêmes


1. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p. 59.

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ne les avaient simplement tenues que pour des marques de justice sociale : — l’aide à la mère et à l’enfant ; les distributions de charbon aux vieillards, pendant l’hiver ; les croisières aux Iles Baléares, ou aux Canaries, organisées pour ouvriers d’usine en congé payé ; — pas les royales autobahns à quadruple voie, qui d’enfonçaient à perte de vue dans la splendeur des forêts restaurées. Tout cela n’était qu’une série de signes évidents de la révolution victorieuse, — série qui ne faisait que commencer. D’autres signes, moins patents, plus subtils que les premiers, faisaient déjà leur apparition dans tous les domaines de la vie. Les nouveaux-nés recevaient, de plus en plus souvent, de beaux noms germaniques, évocateurs d’un passé de légende. Les meubles, — du moins dans certains foyers privilégiés, tels que ceux des membres de la S.S. par exemple, — se décoraient de motifs symboliques, dont l’influence occulte se faisait sentir même sur ceux qui ne se l’expliquaient pas. Mais, quelle qu’ait pu être leur importance, ce n’étaient, là encore, que des signes. Ce n’était pas la révolution.

La révolution véritable, positive, créatrice, — unique, parmi les bouleversements politiques de tous les siècles, depuis l’Antiquité, — c’était le retour aux sources, sous le commandement d’un Chef et Maître qualifié : à la fois initié et stratège, et détenteur suprême de l’autorité politique ; prophète de la Doctrine “nouvelle” (ou plutôt éternelle) et fondateur de l’ordre visible correspondant ; investi, comme je le disais plus haut, du “pouvoir des Deux Clefs”, — élu de ces Forces de Vie qui militent avec de plus en plus d’acharnement impersonnel, à contre-courant des tendances fatales du Cycle près de sa fin. La révolution véritable, c’était l’effort de restauration d’une société traditionnelle, hiérarchisée selon les valeurs intangibles de toujours ; reposant solidement sur le terre tandis qu’elle porterait son élite de race, de caractère et de connaissance, au-delà de l’humain, comme la plante aux longues tiges serpentines maintient à la surface de l’étang, loin au-dessus de la boue nourissante, ses lotus mystiques, éclos à la lumière.

La société européenne, sinon pan-aryenne, que voulait le Führer, ne devait pas être autre chose que cela. Centrée politiquement autour du “grand Reich” — c’est-à-dire de l’Allemagne, complétée par les espaces conquis à l’ouest et surtout à l’est, — elle aurait été dominée par l’élite germanique de la S.S. à laquelle on aurait de plus en plus incorporé des Aryens d’origine

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non-allemande, jugés dignes de former avec leurs frères de sang, l’aristocratie guerrière du monde nouveau. Et une partie au moins de cette jeune aristocratie aurait été, — était déjà, en fait, — une élite spirituelle : un groupe initiatique, rattaché, par l’intermédiaire d’une tradition très ancienne, d’expression germanique, à la Tradition primordiale.

Gouverné dès 1933 par l’Incarnation même du divin Libérateur qui revient sans cesse et, dans la suite des années, par celui de ses paladins qu’il aurait lui-même désigné, le Reich devait redevenir ce qu’avait été, des siècles avant le Christianisme et avant Rome, le sol des vieilles tribus germaines : une “Terre sainte” au sens ésotérique du mot ; le berceau d’une civilisation nourrie du rayonnement d’un puissant centre de réalisation initiatique. Et il est notoire que cette nouvelle civilisation aryenne, à élite germanique, ait été cette fois inspirée par exactement les mêmes principes que la vieille société de l’Inde védique et postvédique, du temps où le système des castes basé, lui aussi sur “la race et la personnalité”, correspondait encore effectivement à la hiérarchie naturelle des hommes. Il y a, dans les deux cas, à la racine de toute la structure sociale, — et, sauf exceptions, à la base des rapports entre conquérants et conquis, — la même notion d’irréductible inégalité congénitale entre les races humaines, voire même entre les subdivisions plus ou moins nettes d’une même race fondamentale, inégalité qu’aucun anthropocentrisme religieux ou philosophique ne vient atténuer, et qu’il est du devoir du sage législateur de renforcer, si cela se peut ; jamais de combattre. L’abîme qui, dans l’esprit du Führer, sépare l’Aryen digne de ce nom des “sous-hommes”, rappelle à plus d’un titre, celui qui, dans les Ecritures sanscrites, sépare et oppose l’Arya, “deux fois né”, du Dasyu. Le Führer va, d’après Rauschning, jusqu’à parler d’une “nouvelle variété d’homme”, résultat d’une véritable “mutation”, au sens scientifique et naturel du mot”1, qui “dépasserait de loin l’homme actuel” et irait s’éloignant de plus en plus de “l’homme du troupeau” déjà entré, selon lui, “dans le stade du dépérissement et de la survivance.”2

Il semble bien qu’il ait envisagé cette “mutation” — qui,


1. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p. 272.
2. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p. 272-273.

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comme l’initiation des “deux-fois-nés” de l’Inde antique, ou encore celle des hommes libres de la Grèce païenne aux “mystères”, ne concernait que la race des maîtres — comme l’aboutissement d’une dure série d’épreuves. Il jugeait qu’il était trop tard pour imposer une telle ascèse à la génération déjà mûre. Cest la jeunesse, cette “splendide jeunesse” qu’Adolf Hitler aimait tant, — celle dont il devait encore essayer de guider les destinées “dans les siècles à venir”, en rédigeant son Testament politique sous le tonnerre des canons russes, — qui devait la subir, et en sortir transformée, durcie, embellie, élevée à un échelon supérieur de l’être ; échelon qu’une élite au sein de l’élite devait encore dépasser.

C’est dans les “forteresses” (Burgs) de l’Ordre à la fois guerrier et mystique de la S.S. — ces véritables pépinières de Kshatriyas d’Occident, — que les maîtres d’armes et les maîtres spirituels de la nouvelle aristocratie devaient procéder à l’éducation des jeunes candidats à la surhumanité. “Ma pédagogie est dure”, déclarait le Législateur inspiré du nouveau monde aryen. “Je travaille au marteau et détache tout ce qui est débile ou vermoulu. Dans mes Burgs de l’Ordre, nous ferons croître une jeunesse devant qui le monde tremblera ; une jeunesse violente, impérieuse, intrépide” . . . une jeunesse qui “saura supporter la douleur. Je ne veux en elle rien de faible ni de tendre. Je veux qu’elle ait la force est la beauté des jeunes fauves . . . l’innocence et la noblesse de la Nature”1. Et plus loin, toujours au cours de la même conversation avec Rauschning : “La seule science que j’exigerai de ces jeunes gens, c’est la maîtrise d’eux-mêmes. Ils apprendront à dompter la peur. Voilà le premier degré de mon Ordre : le degré de la jeunesse héroïque. C’est de là que sortira le second degré : celui de “l’homme libre”, de l’homme “au centre du monde”, de “l’homme dieu.”2

Qu’était-ce que cet “homme-dieu” ? cet “homme au centre du monde” ? —dont la nature semble avoir totalement échappé à Rauschning, comme sans doute à nombre d’autres interlocuteurs du Führer. Qu’était-ce, — que pouvait-ce être — sinon ce que les


1. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française,. p. 278.
2. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p 279.

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sages, au sens traditionnel du mot, appellent “l’homme primordial” ou “l’homme édénique” : celui qui a réussi, grâce, précisément, à sa “maîtrise de soi”, à s’identifier avec le centre de son être (qui est, comme celui de tout être, humain ou non, le centre même du monde manifesté) et qui, par là a retrouvé l’innocence originelle, parce que “tout en agissant, il n’agit plus” ?1

Mais il y avait une “étape future de la maturité virile”, d’autres degrés d’initiation, plus élevés, dont il n’était, selon Adolf Hitler, “pas permis de parler”. Il y avait des révélations, qui devaient venir “plus tard”, “longtemps, peut-être, après sa mort”. Il savait que cette mort, — comme celle, au moins apparente, de tout cet univers de vérité qu’il était en train de recréer par le fer et par le feu, — serait indispensable à l’accomplissement ultime de sa mission. Il en avait eu, à l’âge de seize ans, l’intuition extraordinaire, je devrais dire : la vision. Il n’a, semble-t-il, jamais exprimé à personne le tréfond de sa pensée, ni l’ampleur (et l’horreur) de ce que, de l’angle de l’“éternel Présent”, son œil intérieur pouvait découvrir de l’avenir immédiat de l’Allemagne et du monde ; ni les raisons profondes — plus qu’humaines — qui rendaient son combat nécessaire malgré la vieille certitude et la perspective de plus en plus évidente de l’inévitable effondrement. Il n’en a jamais rien exprimé parce que la connaissance métaphysique, qui seule justifiait tout ce qu’il aurait pu dire, est, comme tout savoir de cet ordre, incommunicable. Parmi ses collaborateurs les plus dévoués, ne pouvaient le suivre, sans acte de foi, que ceux qui — tel Rudolf Hess, — sans être comme lui des aspects de Celui-qui-revient-d’âge-en-âge, étaient quand même des initiés. Ceux-là n’avaient besoin d’aucune transmission, verbale ou écrite, pour saisir tout ce qui, dans la pensée secrète du Führer, bien qu’impénétrable à l’intelligence discursive, ne dépassait pas leur niveau.

* * *

Le refus absolu d’une instruction “gratuite et obligatoire” — et la même pour tous est encore un des grands traits qui rapprochent la société qu’Adolf Hitler rêvait d’instaurer — et déjà celle du Troisième Reich elle-même, — des sociétés traditionnelles du


1. La Bhagawad-Gîta, IV, Verset 20.

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passé. Déjà dans “Mein Kampf”, l’idée d’une éducation identique des jeunes gens et des jeunes filles est rejetée avec la dernière rigueur1, On ne saurait donner le même enseignement à des adolescents que la Nature destine à des fonctions différentes et complémentaires. De même, on ne saurait apprendre les mêmes choses, et dans le même esprit, fût-ce à des jeunes de même sexe mais qui, plus tard, devront s’adonner à des activités sans rapport les unes avec les autres. Ce serait leur charger la mémoire d’un amoncellement d’information dont ils n’ont, pour la plupart, que faire, tout en les privant, sans doute, de connaissances précieuses, et en négligeant la formation de leur caractère2. Cela est vrai, certes, quand ils sont fils d’un même peuple. Cela l’est plus encore quand ils ne le sont pas. Il suffit, pour s’en rendre compte, de songer aux incongruités auxquelles aboutit la manie de la diffusion générale d’une instruction uniforme dans un pays de races et de cultures multiples, comme le sont, par exemple, les Indes ; ou à celles que provoque l’enseignement du programme de littérature française du baccalauréat à des Khmers du vingtième siècle, ignorants, pour la plupart, de leur propre culture.

Adolf Hitler voyait, dans ces sinistres sottises, un des symptômes les plus alarmants de cette gangrène universelle qu’est l’Anti-tradition. Il voulait qu’on n’enseignât aux gens que ce qu’il était bon et souhaitable qu’ils sussent, afin de tenir, dans la hiérarchie humaine, la place qu’ils devaient y occuper, de par leur hérédité totale : — race et capacités personnelles innées. Peu de penseurs ont attaqué avec autant de véhémence que lui l’action “civilisatrice” des missionnaires chrétiens en Afrique noire et ailleurs, leur obstination à imposer aux gens d’autres climats un accoutrement ridicule3, et des valeurs qui ne servent qu’à les désaxer et à en faire des révoltés. Peu ont été aussi catégoriques que lui dans la condamnation d’un enseignement général uniforme, distribué sans discrimination dans les écoles primaires, aux enfants des masses, même européennes ; — même allemandes. Il jugeait particulièrement inutile, pour la grande majorité des fils (et plus encore des filles) du peuple, l’étude superficielle des


1. “Mein Kampf édition 1935, pp. 459-460.
2. “Libres propos sur la Guerre et la Paix, traduction citée, p. 309 et 344.
3. Idib, p. 309.

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langues étrangères, ainsi que des sciences. On devait, selon lui, se contenter d’enseigner tout juste assez de ces matières “pour mettre sur la bonne voie”1 ceux des élèves qui y prendraient un intérêt véritable, et prolongeraient leur scolarité.

Mais il y a plus, et beaucoup plus. Dans la société européenne dominée par son élite germanique, telle que le Führer l’aurait reconstruite, s’il l’avait pu, l’instruction et la culture, et à fortiori la probabilité pratique d’un développement spirituel avancé, devaient retrouver le caractère secret — proprement initiatique, — qu’elles avaient eu dans la plus lointaine antiquité, chez les peuples aryens et chez les autres : chez les Germains de l’âge du bronze comme dans l’Egypte des pharaons, et aux Indes. Elles devaient être réservées à des privilégiés.

Surgis “à l’origine”, c’est-à-dire à l’âge héroïque du National-socialisme, de l’épreuve décisive du combat, ces privilégiés étaient nécessairement issus de toutes les classes de la société “pré-hitlérienne”. Il ne pouvait en être autrement à une époque où la “classe”, ne correspondant plus à la pureté du sang et à ses qualités inhérentes, n’a plus aucune justification. Mais ces soldats de la première heure devaient, peu à peu, avec les jeunes rigoureusement sélectionnés et endurcis dans les “Burgs” de l’Ordre S.S. dans l’ascèse du corps, de la volonté et de la connaissance, former une aristocratie désormais héréditaire, fortement enracinée, — propriétaire de vastes domaines familiaux dans les espaces conquis, — et elle-même hiérarchisée. Ils devaient, ces membres des corps d’élite par excellence, parmi lesquels se coudoyaient maintenant les plus beaux, les plus valoreux fils de paysans, les plus brillants universitaires de bonne race, et de nombreux jeunes représentants de l’ancienne et rigide noblesse allemande, se fondre graduellement en une vraie caste, inépuisable réservoir de candidats à la surhumanité.

Et, je le répète, dans cette noblesse nouvelle du monde occidental, qu’il s’agissait de créer, devaient être admis également les Aryens “d’autres nationalités”, qui se seraient “montrés sympathiques” au combat que le Führer menait2 certes, “pour le grand Reich” , mais aussi pour le retour de la Terre entière à une vie basée sur la vérité traditionnelle ; “pour le grand Reich” parce


1. “Libres propos sur la Guerre et la Paix”, p. 344.
2. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, p. 62.

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que lui seul pouvait être l’instrument de ce redressement in extremis, si tout redressement quelque peu durable n’était pas déjà impossible. Déjà la Waffen S.S. qui, sans la fatalité propre à notre fin de cycle, aurait pu être la barrière contre l’immense entreprise de subversion que représente le Marxisme, comportait des contingents d’une trentaine de pays, y compris une Légion indienne et un “Britische Freiwilligen Korps” ou “Légion anglaise de Saint Georges”, — tant il est vrai que “les grands empires naissent bien sur une base nationale, mais la laissent très vite derrière eux”1. Et ce qui est exact d’un “empire”, l’est d’autant plus d’une civilisation.

La “liberté totale de l’instruction” devait donc être le privilège de l’élite de sang et de caractère, — de l’élite naturelle, — et de “ceux qu’elle admettrait dans son sein”2. (Et elle allait en admettre de moins en moins à mesure que, grâce à la rigoureuse sélection raciale dont elle devait être l’objet, elle s’élèverait de plus en plus au-dessus des masses moins pures, moins parfaites). A la limite, complètement libérée “de tous les préjugés humanitaires et scientifiques”, et rejoignant en cela celles des premiers âges. du monde, la future civilisation hitlérienne devait accorder “à la grande masse de la classe inférieure” et, à fortiori, aux races inférieures d’étrangers conquis, que le Führer désignait d’avance sous le nom d’ “esclaves modernes”, le “bienfait de l’analphabétisme”3. Et partout où, pour le maintien de l’harmonie entre la communauté, hiérarchie visible, et la hiérarchie réelle du monde des Essences, une certaine connaissance et une certaine qualité d’existence seraient jugées nécessaires ou avantageuses, elle devait dispenser des degrés différents de savoir et d’ascèse, ou en encourager l’acquisition — “un degré d’instruction pour chaque classe, et, dans la classe, pour chaque échelon”4. Et cela, jusque parmi l’élite, qui, je le répète, devait, comporter des “paliers” correspondant à des capacités innées de développement et d’action.

Dans plusieurs entretiens, le Führer a avoué beaucoup devoir à ses adversaires, en particulier à l’Eglise catholique, dont il admirait la solide structure et la durée, et, au sein de l’Eglise, à l’Ordre des Jésuites, avec ses exercices spirituels et sa discipline


1. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, treizième édition française, page 62.
2. Hermann Rauschning, Idib., page 62.
3. Hermann Rauschning, Idib., page 62.
4. Hermann Rauschning, Idib., page 62.

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de fer. Il a avoué avoir emprunté aux Franc-maçonneries la pratique du secret, — cela même qui faisait leur force, et les rendait dangereuses à ses yeux. Il voulait, disait-il, battre les Juifs “avec leurs propres armes”, et déclarait — avec justesse — que “celui qui n’apprend rien de ses ennemis est un sot”1. Mais ces apports, pour importants qu’ils aient pu être, n’auraient jamais suffi à donner à l’Hitlérisme vrai, le caractère traditionnel que j’ai essayé, tout au long de ces pages, de mettre en évidence. Ils n’auraient pas suffi, parce que l’Eglise et les Franc-maçonneries étaient, dans leur ensemble, (en tant que groupes spirituels), coupées, depuis des siècles déjà, de la Tradition primordiale, et parce que les Juifs, facteur de nivellement voulu, organisé, de toute l’humanité non-juive, ne pouvaient, à ce titre, (c’est-à-dire, en dehors des individus isolés, apolitiques, assoiffés de spiritualité pure, qui existent peut-être parmi eux) représenter que l’Anti-tradition : — le cerveau inspirateur et directeur de la subversion sociale, elle-même expression tangible de la subversion au sens ésotérique du mot. Il fallait autre chose : — non plus des emprunts à l’image déformée, sinon renversée, de la Tradition, telle qu’elle apparaît dans les organisations, et dans la communauté pseudo-religieuse, pseudo-raciale, que l’Allemagne nationale-socialiste avait à combattre, mais un lien puissant, effectif, véritable avec la Tradition, lien assuré et maintenu par le seul moyen par lequel il ait jamais été rétabli et consolidé : l’initiation.

Si l’on songe à ce total rejet des préjugés modernes, par lequel l’Hitlérisme s’oppose à toutes les doctrines politiques de notre temps comme des siècles qui l’ont immédiatement précédé ; si on se souviens de ce rêve de hiérarchie universelle, basé avant tout sur le sang, qui fut et demeure le sien ; et, surtout, peut-être, si on considère cette retentissante négation de la grande idée jacobine du “droit de tous les hommes” à l’instruction au moins primaire, on ne peut se défendre de rapprocher l’esprit du Führer de celui des législateurs antiques, porte-paroles des Dieux. J’ai, à propos de la suppression des idiots, débiles mentaux et autres déchets humains, voulue par Adolf Hitler, et de tout l’effort de sélection biologique pratiquée sous ses ordres, spécialement au sein de l’élite S.S., évoqué les lois que l’Apollon Delphien avait autrefois dictées à Lycurgue. (Et la perfection physique qui était exigée des


1. Hermann Rauschning, Idib., page 266.

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volontaires de l’Ordre noir, fait immédiatement penser à celle que ce même Dieu, Aryen par excellence, demandait de ses prêtres auxquels une vue faible, ou une seule dent ayant nécessité des soins, barrait la possibilité du noviciat).

Le caractère secret de toute science, — même profane, — dans la future civilisation hitlérienne, et les efforts accomplis déjà sous le Troisième Reich, pour limiter, autant que se pouvait, les méfaits de l’instruction générale — ce “poison le plus corrosif” du libéralisme, — évoquent la malédiction qui, il y a des milliers d’années, et dans toutes les sociétés traditionnelles, visait tous ceux qui auraient divulgué à tort et à travers — et spécialement à des gens d’un sang tenu pour impur, les connaissances dont les prêtres (et ceux qu’ils en jugeaient dignes) avaient l’exclusivité. Ils rappellent les très vieilles “Lois de Manu” et la défense formelle qui s’y trouve d’enseigner aux Soudras, (et, à plus forte raison, aux Chandalas, Poukhasas, et autres gens, eux, de sang mêlé) la science des Livres sacrés et les formules incantatoires1. Les pénalités les plus sevères frappaient, dans l’Inde ancienne, et l’Arya qui se serait permis d’énoncer un texte secret en présence d’un homme des castes serviles, et le Soudra, ou le métisse, qui l’aurait entendu, même sans avoir écouté. Des lois similaires existaient chez tous les peuples encore rattachés, chacun par l’intermédiaire de son élite de sang et de science, à la Tradition originelle, toute science étant, alors encore, “sacrée” et secrète.

Dans son livre plein de fiel où abondent pourtant les hommages involontaires au Führer — les critiques les plus malveillantes qui, en fait, sont des louanges qui s’ignorent — Hermann Rauschning qualifie l’Hitlérisme d’“irruption du monde primitif dans l’Occident”2. En réalité, ce n’est pas du “monde primitif” qu’il s’agit ici, — pas, du moins, du “monde primitif” au sens où Rauschning l’entend — mais du monde primordial ; du monde d’avant toute rupture avec la Tradition d’origine plus qu’humaine. Les “sauvages” auxquels fait allusion le Chrétien, furieux de s’être trompé de voie, ne sont nullement des “primitifs”, mais des dégénérés : — ce vers quoi s’achemine précisément l’Occident, qui vient de rejeter le dernier en date de ses Sauveurs. La civilisation que


1. Lois de Manu, Livre IV, 80-81.
2. H. Rauschning, Hitler m’a dit, p. 287.

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ce dernier eût fondée, si, par son refus, l’Europe n’avait montré qu’il était déjà “trop tard”, avait tous les traits de ces puissants “redressements” qui se produisent tout au long du cycle, chaque fois plus courts, mais toujours inspirés par la même nostalgie du plus en plus impensable Age d’Or, au Age de Vérité.

Certes, d’irrésistibles forces, essentiellement telluriques, possédaient, à l’appel d’Adolf Hitler, les foules fascinées. Et des grandioses défilés nocturnes, à la lumière des torches, au son des chants de guerre, des tambours et des fanfares, se dégageait un véritable envoûtement collectif. Pourquoi pas ? Cela aussi faisait partie de l’art de l’éveil des instincts immémoriaux ; du “retour à la Nature”, avec sa profondeur et sa richesse, — et son innocence — après des siècles de mensonges et d’émasculation. Malgré cela, ce n’était pas “le tamtam des peuplades sauvages” qui, comme l’écrit Rauschning, dominait la structure mouvante du Troisième Reich, et surtout, la pensée et les aspirations du Führer et des grands chefs, connus ou cachés, de l’Ordre de la S.S, — élite au sein de l’élite. C’était, muette aux oreilles charnelles, mais partout présente, subtile, indestructible, planant même au-dessus de l’Allemagne en flammes, même au-dessus de l’Europe dégradée d’après le déastre de 1945, l’éternelle “musique des sphères” dont parlait Platon.

Et ceux qui étaient (et sont) susceptibles d’en saisir le rythme, l’entendaient, — et devaient continuer de l’entendre après la défaite : jusque devant les nains, déguisés en “juges”, des tribunaux carnavalesques d’après-guerre ; jusqu’au pied des potences, et dans les camps de concentration des vainqueurs ; jusque dans l’avachissement de la “société de consommation” imposée au Reich démembré et à l’Europe colonie des U.S.A., — société aux arsenaux vides, aux garde-mangers pleins à craquer, selon l’exigence des Juifs, qui n’avaient rien oublié, mais, hélas, beaucoup appris depuis le temps de la République de Weimar. Car ce qui est éternel ne saurait être détruit. Et l’initié est celui qui vit dans l’éternel, et agit au nom des principes mêmes qui régissent l’Univers. Un Hindou de ceux qui, au début de la Seconde Guerre mondiale et déjà avant, avaient salué en la personne d’Adolf Hitler un “avatar de Viçnou”, et le “chef de tous les Aryas”, me disait qu’il le reconnaissait pour tel au fait qu’il voulait “rendre au système des castes son sens originel, puis, l’étendre au monde entier”. En lui, précisait-il, était réapparu Celui qui, il y a quelques milliers d’années,

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déclarait au héros Arjuna : “De Moi sont émanées les quatre castes, créées par la distribution différente des qualités.”1

Cela rejoint et confirme tout ce que je viens de dire, — l’initié étant consciemment identique au Principe de tout être ou non-être, (ayant “réalisé” l’identité de son essence avec Lui).

* * *

Malgré les polémiques que le nom du Führer déchaîne toujours, plus d’un quart de siècle après la disparition de sa personne physique, son initiation à un groupe ésotérique puissant, en connection directe avec la Tradition primordiale, ne fait plus aujourd’hui aucun doute.

Certes, ses détracteurs, — et ils sont nombreux ! — ont essayé de le présenter comme un homme entraîné à tous les excès, après avoir été poussé par son “hybris”, sa démesure, à trahir l’esprit de ses maîtres spirituels. Ou bien, ils ont vu en lui un maître d’erreur, disciple de “magiciens noirs”, lui-même âme et instrument de la subversion (au sens métaphysique) en ce qu’elle a de plus tragique. Mais leur claivoyance est suspecte du seul fait qu’ils se placent tous du point de vue “moral” — et d’une moralité fausse, puisque soi-disant “la même pour tous les hommes”.

Ce qui, en effet, les rebute, et les empêche à priori de reconnaître la vérité de l’Hitlérisme, c’est son absence totale d’anthropocentrisme, et l’énormité des “crimes de guerre” et “crimes contre l’humanité”, auxquels il est historiquement lié. En d’autres termes, ils lui reprochent d’être en désaccord avec “la conscience universelle”. Or, la trop fameuse “conscience universelle” n’existe pas ; n’a jamais existé. Elle n’est, tout au plus, que l’ensemble des préjugés communs aux gens d’une même civilisation, dans la mesure où ceux-ci ne sentent ni ne pensent par eux-mêmes, — ce qui veut dire qu’elle n’est “universelle” en aucune manière. Et de plus, le développement spirituel n’est pas une affaire de morale, mais de connaissance ; de vision directe des Lois éternelles de l’être et du non-être. Il est écrit dans ces antiques “Lois de Manu”, dont l’esprit est si près de celui des fidèles les plus éclairés du Führer, qu’ “un Brahmane possédant le Rig-Véda tout entier”, — ce qui ne veut pas dire : sachant par cœur les 1009 hymnes qui composent ce plus ancien de tous les écrits de langue


1. La Bhagawad-Gîta, IV, Verset 13.

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et d’inspiration aryennes, mais possédant la connaissance suprême, — l’initiation — qu’impliquerait la compréhension parfaite des symboles qui s’y cachent sous les mots et les images qu’ils évoquent, — il est écrit, dis-je, que ce Brahmane “ne serait souillé d’aucun crime, même s’il avait tué tous les habitants des trois mondes, et accepté de la nourriture de l’homme le plus vil”1. Certes, un tel homme, ayant transcendé toute individualité, ne pourrait agir que sans passion et, comme le sage dont il est parlé dans la Bhagawad-Gîta, “dans l’intérêt de l’Univers”. Mais il ne s’ensuit nullement que son action correspondrait à une moralité centrée sur “l’homme”. Il y a même lieu de penser qu’elle pourrait, le cas échéant, s’en éloigner de beaucoup. Car rien ne prouve que “l’intérêt de l’Univers” — l’accord de l’action avec les exigences profondes d’un moment de l’histoire, que l’initié saisit, lui, de l’angle de l’“éternel Présent”, — ne demande pas, parfois, le sacrifice de millions d’hommes, voire des meilleurs.

On a fait grand état de l’appartenance d’Adolf Hitler (ainsi que de celle de plusieurs personnalités très influentes du Troisième Reich, entre autres, de Rudolf Hess, d’Alfred Rosenberg, de Dietrich Eckart), à la mystérieuse société, fondée en 1912 par Rudolf von Sebottendorf. On a aussi beaucoup parlé de l’influence déterminante qu’auraient eue sur lui des lectures d’un caractère ésotérique et messianique très particulier, entre autres les écrits de l’ancien moine cistercien Adolf Josef Lanz, dit Jörg Lanz von Liebenfels, fondateur2 et Grand Maître de l’“Ordre du Nouveau Temple”, et sa revue, Ostara3. On n’a pas manqué de rappeler son étroite connection avec le géopoliticien Karl Haushofer, membre de la “Société du Vril”, versé dans la connaissance de doctrines secrètes, qui lui auraient été révélées aux Indes, au Thibet et au Japon, et très conscient de l’immense “puissance magique” de la Croix gammée4. On a, enfin, souligné le rôle particulier d’initiateur qu’aurait joué auprès de lui au moins Dietrich Eckart, — sinon Dietrich Eckart et Rudolf Hess, quoique l’un et l’autre se soient toujours présentés dans la vie publique comme ses fidèles disciples et collaborateurs. Dietrich Eckart aurait, en Décembre 1923, sur son lit de mort, déclaré devant quelques uns de ses


1. “Lois de Manu”, Livre onzième, verset 261.
2. En 1900.
3. Fondée en 1905.
4. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, edition 1969, page 53.

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frères de la Société de Thulé, que les maîtres de la dite Société, dont lui-même : il aurait dit “nous” en parlant d’eux, — auraient donné à Adolf Hitler “le moyen de communiquer avec Eux”, c’est-à-dire, avec les “Inconnus supérieurs” ou “Intelligences hors de l’humanitté”, et qu’il aurait, lui, en particulier, “influencé l’histoire plus qu’aucun autre Allemand.”1

Il convient toutefois de ne pas oublier que, quel qu’ait pu être l’entraînement initiatique qu’il a suivi plus tard, il semble certain que le futur Führer ait déjà été, “entre douze et quatorze ans”2 et peut-être même plus tôt encore, en possession des directives fondamentales de son “moi” historique ; qu’il ait, alors déjà, montré son amour pour l’art en général, et surtout pour. l’architecture et la musique ; son intérêt à l’histoire allemande (et à l’histoire tout court) ; son patriotisme ardent ; son hostilité envers les Juifs (qu’il sentait déjà être l’antithèse absolue des Germains) ; et enfin, son admiration sans bornes pour toute l’œuvre de Richard Wagner. Il semble certain, si l’on s’en rapporte au récit que son ami d’adolescence, Auguste Kubizek, nous a laissé de sa vie jusqu’à l’âge de dix-neuf ans, que son grand, son véritable “initiateur” — celui qui a vraîment éveillé en lui une vision plus qu’humaine des choses avant toute affiliation à un groupe d’enseignement ésotérique quel qu’il fût, — ait été Wagner, et Wagner seulement. Adolf Hitler a gardé toute sa vie l’enthousiaste vénération qu’il avait, à peine sorti de l’enfance, vouée au Maître de Bayreuth. Personne n’a jamais compris, senti, comme lui, la signification cosmique des thèmes wagnériens — personne ; pas même Nietzsche, qui, cependant, avait indubitablement parcouru un certain chemin dans le sens de la connaissance des Principes premiers. La création de “Parsifal” est demeurée une énigme pour le philosophe du “surhomme”, qui n’en a saisi que l’enveloppe chrétienne. Le Führer, lui, savait s’élever au-delà de l’opposition apparente des contraires, — y compris de celle qui paraît exister entre “l’Enchantement du Vendredi Saint” et la “Chevauchée des Walkyries”. Il voyait plus loin. Il saluait, derrière “le décor poétique du drame wagnérien”, . . . “l’enseignement pratique de la lutte obstinée pour la sélection et la rénovation”3, et dans le Graal, Source de vie


1. André Brissaud. “Hitler et l’Ordre Noir”, edition 1969, page 61-62.
2. André Brissaud “Hitler et l’Ordre Noir”, edition 1969, page 39.
3. Hermann Rauschning. “Hitler m’a dit”, treizième édition française, page 257.

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éternelle, le symbole même du “sang pur”. Et il faisait gloire au Maître d’avoir su donner à son message prophétique aussi bien la forme de Parsifal que celle, toute païenne de la “Tétralogie”. C’est que la musique de Wagner avait le don de lui évoquer la vision non seulement de “mondes antérieurs”, mais de scènes de l’histoire “en puissance”, en d’autres termes, de lui ouvrir les portes de “l’éternel Présent”, — et cela, apparemment, dès l’adolescence, si on en croit l’admirable scène que rapporte Auguste Kubizek, et qui aurait pris place à la suite d’une représentation du “Rienzi” de Wagner à l’Opéra de Linz, alors que le futur Führer avait seize ans. La scène est trop belle pour qu’on se permette de ne la point citer in extenso.

En sortant, donc, du théâtre de Linz, où ils venaient d’assister à une représentation du “Rienzi” de Richard Wagner, les deux jeunes gens, — Adolf Hitler et Auguste Kubizek, — au lieu de rentrer chez eux, prirent, bien qu’il fût plus de minuit déjà, “le chemin qui menait au sommet du Freienberg”. Ils aimaient ce lieu désert pour y avoir passé, seuls au milieu de la nature, de beaux après-midis de dimanche. Maintenant, c’était Adolf Hitler qui, visiblement bouleversé au sortir du spectacle, avait insisté pour qu’ils y retournassent, malgré l’heure tardive, — peut-être à cause d’elle. “Il” (c’est-à-dire Adolf Hitler) “marchait”, écrit Kubizek, “sans dire un mot, sans tenir compte de ma présence. Je ne l’avais jamais vu aussi étrange, aussi pâle. Plus nous montions, et plus le brouillard se dissipait” . . . “J’avais envie de demander à mon ami où il voulait aller ainsi, mais l’expression farouche et fermée de son visage m’empêcha de lui poser la question.” . . . “Arrivés au sommet, le brouillard — dans lequel la ville était encore plongée — avait disparu. Au-dessus de nos têtes les étoiles brillaient de tous leurs feux dans un ciel parfaitement pur. Adolf se tourna — alors vers moi et me saisit les deux mains qu’il serra fort entre les siennes. C’était un geste que je ne lui avais encore jamais vu faire. Je sentis à quel point il était ému. Ses yeux brillaient d’animation. Les mots ne sortaient pas de sa bouche avec facilité, comme d’habitude, mais de façon hachée. Sa voix était rauque, et trahissait son bouleversement.

Peu à peu, il se mit à parler plus librement. Les mots jaillissaient à flots de sa bouche. Jamais auparavant je ne l’avais entendu, et plus jamais je ne devais l’entendre parler comme alors

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que seuls, debout sous les étoiles, nous avions l’impression d’être les uniques créatures sur terre.

Il m’est impossible de rapporter en détails les mots que mon ami prononça en cette heure-là, devant moi.

Quelque chose de tout à fait remarquable, à quoi je n’avais jamais prêté attention quand, auparavant, il me parlait avec excitation, me frappa alors : c’était comme si un autre “Je” parlait à travers lui — un Autre, au contact duquel il était lui-même aussi bouleversé que moi. On ne pouvait en aucune façon croire qu’on avait alors affaire à un orateur, que ses propres paroles auraient grisé. Bien au contraire ! J’avais plutôt l’impression qu’il éprouvait lui-même avec étonnement, je dirais même avec ahurissement, ce qui jaillissait de lui avec la violence élémentaire d’une force de la Nature. Je n’ose porter aucun jugement sur cette observation. Mais c’était chez lui un état de ravissement, dans lequel il transposait en une vision grandiose, sur un autre plan, à lui propre, — sans faire directement allusion à cet exemple et modèle, et pas seulement comme une simple répétition de cette expérience, — ce qu’il venait de vivre à propos de “Rienzi”. L’impression que lui avait fait cet opéra n’avait, bien plutôt, été que l’impulsion extérieure qui l’avait contraint de parler. Telle la masse d’eau, jusqu’alors retenue par un barrage, se précipite, irrésistible, si celui-ci est brisé, ainsi se déversait de lui le torrent d’éloquence, en images sublimes, d’une invincible force de suggestion, il déroula devant moi son propre avenir et celui du peuple allemand . . . Puis, ce fut le silence. Nous redescendîmes vers la ville. Les horloges des clochers marquaient trois heures du matin. Nous nous séparâmes devant la maison de mes parents. Adolf me serra la main. Stupéfait, je vis qu’il ne rentrait pas chez lui, mais reprenait le chemin de la colline. “Où veux-tu encore aller ?”, lui demandai-je, intrigué. Il répondit laconiquement : “Je veux être seul”. Je le suivis longtemps des yeux, tandis qu’enveloppé de son manteau sombre, il remontait la rue vide, dans la nuit”1.

“Et”, ajoute Kubizek, “bien des années devaient s’écouler avant que je ne comprisse ce que cette heure sous les étoiles, durant laquelle il avait été ravi au-dessus de toutes choses terrestres,


1. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, édition 1953, p. 139-40-41.

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avait signifié pour mon ami”1. Et il rapporte un peu plus loin les paroles mêmes que prononça Adolf Hitler, bien plus tard, après avoir raconté à Frau Wagner2 la scène que je viens de rappeler — paroles inoubliables : “Cest alors que tout a commencé”. Alors, c’est-à-dire quand le futur maître de l’Allemagne avait, je le répète, seize ans.

* * *

Il est, pour le moins, curieux, que cet épisode extraordinaire — qui outre sa propre “résonance” de vérité, a pour garantie l’ignorance même que Kubizek semble avoir eue du domaine supra-humain, — n’ait été, à ma connaissance, commenté par aucun de ceux qui ont essayé de rattacher le National-socialisme à des sources “occultes”. Même les auteurs qui ont — bien à tort ! — voulu attribuer au Führer une nature de “médium”, n’ont pas, que je sache, tenté de s’en servir. Ils ont, au lieu de cela, insisté sur l’immense pouvoir de suggestion qu’il exerçait non seulement sur les foules (et les femmes), mais sur tous ceux qui entraient, ne fût-ce qu’occasionnellement, en contact avec lui, sur des hommes aussi froidement détachés qu’un Himmler ; sur des soldats aussi réalistes qu’un Otto Skorzeny, qu’un Hans-Ulrich Rudel ou qu’un Degrelle.

Or, c’est ignorer jusqu’aux premiers éléments de la science des phénomènes para-psychiques que de considérer comme “médium” celui qui jouit d’un tel pouvoir. Un médium, — ou “sujet” — est celui qui reçoit, qui subit la suggestion ; pas celui qui est capable de la faire subir à d’autres, et surtout à tant d’autres. Ce pouvoir-là est le privilège de l’hypnotiseur, ou magnétiseur et, en l’occurence, d’un magnétiseur d’une envergure qui confine au surhumain ; d’un magnétiseur capable de faire, à son profit, — ou plutôt à celui de l’idée, dont il se veut le promoteur, — jouer le rôle de “médiums” aux plus forts, aux plus rassis, aux plus réfractaires à toute influence. On n’est pas à la fois magnétiseur et médium. On est l’un ou l’autre, sinon ni l’un ni l’autre. Et si on veut faire entrer une part de “para-psychique” dans l’histoire de la carrière politique d’Adolf Hitler, — comme


1. Auguste Kubizck, Idib., p. 141.
2. Auguste Kubizek, Idib., p. 141-142.

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je crois qu’on est en droit de le faire, le magnétiseur, c’est alors lui, dont la puissance d’exaltation et de transformation des humains, par la seule parole, est comparable à celle qu’exerçait dit-on, autrefois, Orphée, par l’enchantement de sa lyre, sur les gens et les fauves. Le “médium”, c’est le peuple allemand, tout entier ou presque, — et quelques non-Allemands à travers le monde, auxquels la radio transmettait la Voix envoûtante.

L’épisode cité plus haut, — dont j’ai traduit le récit qu’en a fait Auguste Kubizek1, — pourrait fort bien, lui, servir d’argument en faveur de la présence de “dons médiumiques” chez le jeune Adolf Hitler si ces soi-disant dons n’étaient pas démentis d’une façon retentissante, précisément par l’ahurissante puissance de suggestion qu’il n’a cessé d’exercer, tout au long de sa carrière, sur les multitudes et sur pratiquement tous les individus. Kubizek nous dit, en effet, qu’il eut l’impression très nette qu’un “autre Je “avait alors parlé à travers son ami ; que le flot d’éloquent prophétique avait paru jaillir de lui comme d’une force étrangère à lui. Or, si l’orateur adolescent n’avait rien du “médium” ; s’il n’était en aucune façon possédé par “un Autre” — Dieu ou le Diable, qu’importe ; en tout cas Non-lui-même, — qu’était-ce alors que cet “autre ‘Je’”, qui semblait se substituer à lui, pendant cette heure inoubliable au sommet du Freienberg, sous les étoiles ? et s’y substituer si totalement que l’ami aurait eu quelque peine à le reconnaître, s’il n’avait continué de le voir ?

On comprend qu’Auguste Kubizek n’ait “pas osé porter de jugement” là-dessus. Il parle toutefois d’ “état extatique”, de “complet ravissement” (völlige Entrückung) et de transposition .d’une expérience vécue par le visionnaire, sur “un autre plan, à sa mesure” (auf eine andere, ihm gemässe Ebene). Bien plus, cette expérience vivante et récente — l’impression produite sur lui par l’histoire du tribun romain du quatorzième siècle, traduite et interprétée par la musique de Wagner, — n’avait été, nous dit le témoin, que “l’impulsion extérieure” qui l’avait conduit à la vision de l’avenir personnel comme de l’avenir national ; en d’autres termes, qui avait servi d’occasion à l’accès de l’adolescent à une


1. Il existe une édition française du livre d’Auguste Kubizek “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, parue chez Gallimard. Mais le texte original y a été malheureusement écourté. Les passages les plus intéressants de ce récit n’apparaissent pas dans la traduction.

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conscience nouvelle : une conscience dans laquelle l’espace et le temps, et l’état individuel qui est lié à ces limitations, sont transcendés. Ce qui voudrait dire que “l’autre plan à la mesure” du jeune Adolf Hitler, n’était rien moins que celui de l’“éternel Présent” et que, loin d’avoir été “possédé” par quelqu’entité étrangère que ce fût, le futur maître des multitudes était devenu maître du Centre de son propre être ; qu’il avait, sous l’influence mystérieuse de son Initiateur, — Wagner — accompli le grand pas décisif sur le chemin de la connaissance ésotérique, subi la première mutation irréversible, — l’ouverture du “Troisième Œil”qui avait fait de lui un “homme édénique”. Il venait d’acquérir le degré d’être correspondant à ce qu’on appelle, en langage initiatique, les Petits Mystères. Et l’“autre ‘Je’”, qui avait parlé par sa bouche de choses que son moi conscient quotidien ignorait encore, ou ne percevait peut-être qu’à demi, “comme à travers un voile”, quelques heures auparavant, était son vrai “Je”, et celui de tous les vivants : l’Etre, avec lequel il venait de réaliser sa propre identification.

Il peut sembler étrange à l’immense majorité de mes lecteurs — y compris à ceux-là qui, aujourd’hui encore, vénèrent en lui “notre Führer pour toujours” — qu’il ait pu, étant si étonnemment jeune, faire preuve d’un tel éveil aux réalités supra-sensibles. Parmi les hommes qui aspirent de toute leur ardeur à la connaissance essentielle, combien y en a-t-il, en effet, qui vieillissent dans la méditation et les exercices pieux sans encore atteindre ce palier ? Mais s’il existe un domaine où règne l’inégalité la plus fondamentale et l’apparence la plus flagrante d’“arbitraire”, c’est bien celui-là.

Dieu met son signe auguste au front de qui lui plaît;
Il a délaissé l’aigle, et choisi l’oiselet,
Dit le Moine. Pourquoi ? Qui le dira ? Personne
!”1

Il n’y a aucune impossibilité à ce qu’un adolescent exceptionnel franchisse à seize ans la barrière qu’ouvre à l’esprit en quête de vérité principielle, l’initiation aux Petits Mystères. D’après ce que l’on raconte encore aux Indes de sa vie, le grand Sankaracharya aurait été de ceux-là. Et vingt-deux siècles plus tôt, Akhnaton, roi d’Egypte, avait lui aussi seize ans, lorsqu’il commença


1. Leconte de Lisle, (dans le poème intitulé “Hiéronymus”, des “Poèmes tragiques”).

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à prêcher le culte d’Aton, Essence du Soleil, dont le “Disque” n’est que le symbole visible. Et tout laisse penser qu’ils y en eut d’autres, de moins en moins rares à mesure qu’on remonte le cours du cycle dont nous vivons les derniers siècles.

Si, d’autre part, on voit en Adolf Hitler une des figures — et sans doute l’avant-dernière, — de Celui-qui-revient quand tout semble perdu ; le plus récent des nombreux Précurseurs de la suprême Incarnation divine ou du dernier messager de l’Eternel (du “Mahdi” des Mahommétans ; du Christ revenu en gloire des Chrétiens ; du Maitreya des Boudhistes ; du Saoshyant des Mazdéens ; du Kalki des Hindous, ou de quelque nom qu’on veuille — L’appeler, qui doit mettre fin à ce cycle et ouvrir l’Age d’Or du suivant), alors, tout s’éclaire. Car alors il est naturel qu’il ait été un adolescent, et avant cela, déjà un enfant exceptionnel ; un enfant dont un signe, un mot, un rien (ou ce qui pouvait paraître “un rien”, aux yeux de tout autre) suffisait à éveiller l’intuition intellectuelle. Alors, il n’est pas interdit de penser que, dès les années scolaires 1896–97, 1897–98 (et en partie 1898–99) qu’il passa comme élève au collège de l’abbaye bénédictine de Lambach-an-Traun, en Haute Autriche, la magie de la sainte Croix gammée — symbole cosmique puissant, évocateur immémorial de Vérité principielle, — ne l’ait saisi, pénétré, dominé ; qu’il se soit, au-delà de l’exaltante solennité du culte catholique, identifié à elle pour toujours. Car le révérend Père Théodorich Hagen, abbé de Lambach, avait, trente ans plus tôt, fait graver ce signe sacré sur les murs, sur les boiseries, dans tous les coins du monastère, si paradoxale qu’une telle action, “sans exemple” dans un couvent chrétien1, puisse paraître. Et tandis qu’il chantait dans la chorale, le jeune Adolf Hitler, âgé de neuf ans en l’année 1898, de dix ans en 1899, avait “juste en face de lui”, sur “le haut dossier du fauteuil abbatial,” au centre même de l’écu héraldique du Père Hagen, l’antique Symbole désormais destiné à demeurer à jamais attaché à son propre nom.

Alors, il est naturel qu’il ait eu très tôt, parallèlement à son ouverture sur le monde des Essences, la conscience de ce qu’il fallait faire en ce monde visible et tangible pour y amener, à la onzième heure, un “redressement” ; ou même seulement pour y en suggérer un — pour y faire retentir le dernier, le suprême avertissement des


1. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, édition 1969, page 23.

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Dieux, au cas où la décadence universelle y serait (comme il semble bien, en effet, qu’elle soit), irrémédiable. Et, d’après ce que rapporte Kubizek, tout porte à penser qu’il en a été ainsi, puisque, lors même de son extraordinaire éveil, le futur Führer parla de la “mission” (Auftrag) qu’il devait un jour recevoir, de guider le peuple “de la servitude aux sommets de la liberté.”1

* * *

Si, maintenant, on se demande quelle influence, à part celle de la musique de Wagner et celle, moins immédiate, peut-être, mais toujours vivante, de la Croix gammée, a bien pu aider le jeune Adolf Hitler à acquérir si tôt le pouvoir de transcender ainsi l’espace et le temps, on est tout de suite amené à penser à son seul amour de jeunesse : à la belle Stéphanie aux lourdes tresses blondes enroulées autour de sa tête comme une couronne2 souple et brillante ; Stéphanie à qui il n’osa jamais adresser la parole, parce qu’il ne lui avait “pas été présenté”3 mais qui était devenue à ses yeux “la contre-partie féminine de sa propre personne”4. Auguste Kubizek insiste sur l’exclusivité de cet amour très particulier ; aussi sur le plan “idéal” sur lequel il demeura toujours. Il nous dit que le jeune Adolf Hitler, qui identifiait Stéphanie à l’Elsa de “Lohengrin” et à “d’autres figures d’héroïnes du répertoire wagnérien”5, ne ressentait pas le moindre besoin de lui parler ou de l’entendre, sûr qu’il était que “l’intuition suffisait à la compréhension mutuelle de gens hors de l’ordinaire”. Il était satisfait de la voir passer de loin ; de l’aimer de loin comme une vision d’un autre monde.

Une fois cependant, par un beau dimanche de juin, il arriva quelque chose d’inoubliable. Il “la” vit ; — comme toujours, au côté de sa mère, — dans un défilé de chars de fleurs. Elle tenait un bouquet de coquelicots, de bleuets et de marguerites : les mêmes fleurs que celles sous lesquelles disparaissait son char.


1. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, page 140.
2. Le nom de Stéphanie évoque l’idée de couronne (“Stéphanos”, en grec).
3. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, p. 88.
4. Auguste Kubizek, Idib., p. 88, “die weibliche Entsprechung der eigenen Person”.
5. Auguste Kubizek, Idib., p. 78.

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Elle approchait. Jamais il ne l’avait regardée de si près, — et jamais elle ne lui avait paru plus belle. Il en fut, dit Kubizek, . . . “ravi de terre”1. Puis, les yeux lumineux de la jeune fille se posèrent un instant sur lui. Elle lui sourit avec insouciance, dans l’atmosphère de fête de ce dimanche ensoleillé, prit une fleur de son bouquet et la lui lança2. Et le témoin de cette scène ajoute que “jamais plus” — apparemment, pas même alors qu’il le revit en 1940, au lendemain de la campagne de France, au faîte de la gloire, — il n’a vu Adolf Hitler “plus heureux.”

Mais même alors, le futur Führer ne fit rien pour se rapprocher de Stéphanie. Son idylle en resta là ; “des semaines, des mois, des années”. Non seulement il n’attendait plus rien de la jeune fille après le geste que je viens de rappeler, mais “toute initiative qu’elle aurait pu prendre au-delà du cadre rigide des conventions, aurait détruit l’image qu’il se faisait d’elle, en son coeur.”3

Quand on se souvient quel rôle jouait, dans la vie et l’évolution spirituelle du chevalier du Moyen-Age, la “Dame de ses pensées”, — qui, elle aussi, pouvait être, (bien qu’elle ne l’était pas nécessairement) une figure tout juste entrevue, voire même quelque princesse lointaine, dont le dévoué chevalier ne connaissait que par ouï-dire la beauté et les vertus, — et quand on sait, de plus, quels liens profonds existaient entre les Ordres de Chevalerie et l’enseignement hermétique, c’est-à-dire initiatique, on ne peut se défendre de faire des rapprochements.

Auguste Kubizek nous assure que, du moins durant les années qu’il vécut à Vienne en sa compagnie, le futur Führer ne répondit pas une seule fois aux sollicitations des femmes, ne fréquenta aucune d’elles, ne s’approcha d’aucune d’elles, bien qu’il fût “corporellement et sexuellement tout à fait normal”4. Et il nous dit que l’image adorée de celle qui, à ses yeux, “incarnait la femme allemande idéale” l’aurait soutenu, dans ce refus délibéré de toute aventure charnelle.

Il est instructif de noter la raison de ce refus, que Kubizek rapporte en toute simplicité, se rendant mal compte des implications des paroles de son ami de jeunesse. Adolf Hitler voulait,


1. Auguste Kubizek, Idib., p. 78.
2. Auguste Kubizek, Idib., p. 84.
3. Auguste Kubizek, Idib., p. 87.
4. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, page 276.

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nous dit-il, garder en lui, “pure et non amoindrie”1, ce qu’il nommait “la flamme de la Vie”, en d’autres termes, la force vitale. “Un seul moment d’inattention, et cette flamme sacrée est éteinte pour toujours” — du moins pour longtemps, — écrit-il, nous montrant par là le prix que le futur Führer y attachait. Il essaye, sans y parvenir, d’élucider ce de quoi il s’agit. Il n’y voit que le symbole du “saint amour” qui s’éveille entre gens qui se sont gardés purs de corps et d’esprit, et qui “sont dignes d’une union destinée à donner au peuple une descendance saine”2. La préservation de cette “flamme” devait être, écrit-il encore, “la tâche la plus importante”3 de cet “Etat idéal” auquel pensait, durant ses heures solitaires, le futur fondateur du Troisième Reich allemand. Cela est vrai, sans doute. Mais il n’y a pas que cela.

Il y a là, semble-t-il, de la part du jeune Adolf Hitler, un refus voulu de vie sexuelle, non pas, certes, dans un but de vaine “mortification de la chair,” mais en vue de l’utilisation de la “flamme sacrée de la vie” à la conquête des états supérieurs de son être et, finalement, à la conquête de la réalisation, de l’expérience de l’Impensable au-delà de l’Etre et du Non-Etre du “Ciel suprême” de Dante ; de l’Un de Plotin ; du Brahman des Ecritures sanscrites. La révolution qu’il méditait déjà ne pouvait venir que “d’En-haut”, car c’était une vraie, la seule vraie révolution : le renversement des valeurs anthropocentriques qui ne sont autres que le produit de la risible vanité de l’homme déchu. Il le savait. Et tel, sans doute, plus d’un chevalier aspirant à “Dieu”, c’est-à-dire à la connaissance du Principe suprême, résista plus aisément aux tentations des sens en évoquant l’image idéalisée de sa “Dame” ; tel Dante se vit accompagner durant les deux tiers de son ascension aux paradis successifs par la radieuse Béatrice qu’il n’avait, sur le plan matériel, fait qu’entrevoir deux fois, sans jamais lui avoir parlé, — tel aussi Adolf Hitler gravit-il, pensons-nous, intérieurement accompagné de la blonde Stéphanie, les premiers échelons du développement spirituel au-delà du stade où il avait pu arriver sans elle. Il voyait en elle quelques unes des grandes figures féminines du drame wagnérien. Il voyait en elle “la


1. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, page 280.
2. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, page 280.
3. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, page 280.

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femme allemande par excellence” ; l’Allemagne vivante. Il était naturel qu’elle concrétisât pour lui sous forme humaine la puissance de suggestion, — l’éloquence symbolique — et de la musique du Maître de Bayreuth et de l’immémoriale Croix gammée.

Car l’initiation du futur Führer aux vérités les plus universelles devait se faire sous le signe de la Germanie, à la tradition particulière de laquelle il allait se rattacher, s’identifier, de plus en plus. Car il était à la fois l’Empereur endormi, surgi soudain de sa caverne à l’appel du désespoir de son peuple, et Siegfried, le Guerrier “plus libre que les Dieux”, créateur d’un monde de surhommes : — la forme germanique de Celui-qui-revient d’âge en âge.

Il est remarquable que, “en pleine possession de lui-même”1, il ait eu, déjà à l’époque dont il s’agit ici, la position qu’il devait prendre plus tard dans “Mein Kampf” en face de tous le problèmes sociaux soulevés par le sexe : qu’il ait ressenti la même répulsion pour l’amour vénal (même légalisé), ainsi que pour toute manière d’érotisme malsain ; le même respect pour la “Flamme sacrée de la vie” — force divine, source de l’immortalité raciale, qu’il convient non de détourner de son but pour le seul plaisir de l’individu, mais de mettre au service de la race. Il est remarquable que pour tout ce qui concernait le domaine sexuel en général (comme d’ailleurs les autres domaines), il se plaçait déjà, pour les autres, du point de vue du législateur, tandis que pour lui-même ne comptaient que la connaissance et le pouvoir qui y est lié, et la voie qui y mène : — la préparation au rôle extraordinaire qu’il devait jouer dans l’histoire. Au milieu de la grande ville corrompue, il s’entoura, nous dit Kubizek, “d’un écran de principes inébranlables, qui lui permettait de construire sa vie” — je dirais, moi, son“être” — “en complète liberté intérieure, indépendant de l’ambiance menaçante”2. On pense, en lisant ces mots, au “cercle magique” qui entoure et protège l’homme qui a atteint un certain palier de réalisation initiatique, et l’aide à poursuivre son développement dans un isolement véritable, quoique non-apparent.

Combien de temps durèrent pour Adolf Hitler cet isolement et cette “sévère ascèse monacale”3, dont parle Kubizek ? Vraissemblablement,


1. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, page 276.
2. Auguste Kubizek, “Adolf Hitler, mein Jugendfreund”, page 286.
3. Auguste Kubizek, Idib., page 286.

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jusqu’à ce qu’il ait atteint le degré suprême de la connaissance, en d’autres termes l’état où il eut enfin pleine conscience non seulement d’être (comme le tribun Rienzi) “chargé d’une mission” auprès du peuple, mais d’avoir lui-même choisi cette tâche et décidé de “prendre forme humaine” dans le monde visible afin de l’accomplir, et cela, même si elle devait se solder par un échec total, car elle était malgré tout inscrite dans l’ordre éternel des choses. A ce stade là, la mutation finale — irréversible ; celle qui correspond à l’initiation aux “Grands Mystères” — étant effectuée, toute ascèse devenait superflue — comme le vaisseau dont l’exilé, ramené enfin au port, n’a désormais que faire.

* * *

On sait qu’à un moment donné “Béatrice s’efface devant saint Bernard pour guider Dante dans les ultimes étapes1 de son ascension jusqu’au sommet des paradis successifs”. On peut se demander qui a, après Stéphanie, aidé Adolf Hitler à gravir les échelons les plus élevés de la connaissance secrète, et à quelle époque il les a gravis : alors qu’il vivait encore à Vienne ? Ou à Munich ? Ou peu après sa décision, à l’annonce de la capitulation de l’Allemagne en 1918, de “devenir un homme politique” ? — c’est-à-dire, comme cela avait été le cas d’au moins un autre initié qui a changé la face du monde, à savoir du Christ lui-même, autour de l’âge de trente ans ? Ou plus tôt ? Ou plus tard ? Il est à à peu près impossible de répondre à cette question avec certitude.

Deux choses sont cependant hors de doute. La première est que, toute sa vie, le Führer a continué à baigner dans l’atmosphère spirituelle de Wagner — plus encore que dans celle de Nietzsche — et à en tirer son inspiration. “Je connais à fond toutes les pensées de Wagner. Aux diverses étapes de ma vie, je reviens toujours à lui”2, devait-il un jour dire à Hermann Rauschning, tandis qu’il trouvait que, chez Nietzsche, — et bien que ce penseur ait “déjà entrevu le surhomme comme une nouvelle variété biologique,” . . . “tout est encore flottant”3. Je le répète : Wagner, lui-même initié au plus haut degré — son œuvre en fait foi — fut, à travers cette œuvre, le vrai maître spirituel d’Adolf Hitler.


1. René Guénon, “L’ésotérisme de Dante”.
2. Hermann Rauschnmg, “Hitler m’a dit”, page 257.
3. Hermann Rauschning, “Hitler m’a dit”, page 273.

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La seconde chose certaine est que, soit directement par la Thulegesellschaft, soit, antérieurement à ses premiers contacts avec elle, par d’autres contacts, — à Vienne peut-être, déjà, — avec ces gens ayant les mêmes préoccupations, les mêmes rêves, et surtout des connaissances du même ordre, que ses membres, Adolf Hitler a connu la vieille Tradition hyperboréenne, selon Guénon la Source de toutes les autres, au sein de laquelle il a reçu son initiation suprême. Car le fait, pour lui, d’être une des “descentes” sur terre (en sanscrit : avatara) de Celui qui revient, à chaque époque de tragique décadence, combattre à contre-courant du Temps et tenter “un redressement”, ne le dispensait pas de l’enseignement secret des Maîtres d’une forme particulière de la Tradition éternelle. Ces Maitres, de la tutelle desquels il pouvait fort bien s’échapper ; bien plus ; avec qui, — comme le suggère André Brissaud1 — il n’était pas dit qu’il n’entrât jamais en conflit, ont eu malgré tout leur rôle à jouer dans soi éveil à Lui-même. D’autres très grandes figures du passé, qui ont laissé leur empreinte dans l’histoire, — entre autres, le Bouddha lui-même, considéré dans l’Hindouisme comme une “Incarnation de Viçnou”, — ont eu des maîtres, même si elles devaient rapidement les dépasser.

Il faudrait avoir été soi-même membre de la Thülegesellschaft (la Société de Thulé), pour pouvoir dire avec exactitude ce qui distinguait son enseignement de celui d’autres organisations initiatiques ou se prétendant telles. Cela n’a d’ailleurs pas tellement d’importance si, comme semble le penser A. Brissaud, Adolf Hitler s’est très vite libéré de l’influence du ou des maîtres qu’il a pu avoir (à part, bien entendu, de celle de Wagner, dont la musique, à la fois épique et initiatique, a sous-tendu sa vie entière et l’a même accompagné au-delà de la mort)2. Ce qui est important, c’est de se rendre compte qu’il a — on ne saurait certes dire précisément quand, mais sûrement avant la prise de pouvoir — effectivement reçu l’initiation suprême qui le mettait au-dessus des contingences de ce monde et au-dessus du bien et du mal ; en d’autres termes, qu’il s’est “éveillé” complètement


1. André Brissaud, “Hitler et l’Ordre Noir”, page 109.
2. Après l’annonce de la mort tragique du Führer en 1945, la radio allemande a joué la dernière partie de l’opéra de Richard Wagner : “Götter Dämmerung”, le célèbre “Crépuscule des Dieux”.

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et définitivement à ce qu’il était de toute éternité et demeure absolument.

Comme je le faisais remarquer plus haut, les restrictions particulières qu’il avait pu s’imposer jusqu’alors, dans un esprit d’ascèse, devenaient inutiles. Et s’il a continué d’en observer quelques unes, s’il s’est, entre autres, obstinément abstenu de boissons alcooliques et de tabac, c’était par disposition naturelle plutôt que par souci de discipline. Et s’il a aussi refusé toute nourriture carnée, c’est qu’il y avait, au fond de lui — l’artiste et l’ami des bêtes — un dégoût de plus en plus profond de cette laideur et horreur que représentent l’abattoir et la boucherie. Cela dit, il vécut dès lors comme un homme harmonieusement équilibré, se mêlant, sans gêne et sans étonnement, à la société la plus raffinée s’il le jugeait nécessaire à son œuvre ou si, après des heures de contact avec ses rudes S.A. et avec le peuple, il y trouvait un délassement. Il appréciait la compagnie des femmes et, — comme Siegfried, comme le Prophète Mahomet, comme Krishna, le Dieu incarné, et d’autres illustres Combattants “contre le Temps” — il connut l’amour, sporadiquement au moins, à ce qu’il semble ; quand il en avait le loisir ! Il vécut, surtout, allant au devant de toutes les satisfactions que pouvait. lui procurer l’art sous toutes ses formes ; l’art qu’il plaçait si haut qu’il n’admettait pas qu’un homme qui y était insensible dût jamais prendre la tête d’un Etat national-socialiste. Des gens qui, comme l’écrivain français Malraux, — qu’on ne peut certes pas soupçonner de partialité à son égard ! — l’ont rencontré dans des réunions mondaines, à des dîners d’ambassades, admettent qu’il avait “de l’esprit”, voire même “de l’humour” ; qu’il “savait danser”, au sens où Nietzsche entendait cette expression.

Mais, parallèlement à cela, il demeura toujours et avant tout l’homme de son combat. Et il semble avoir été de plus en plus conscient de la nécessité, pour ceux qui dirigeaient ce combat sous lui et en collaboration avec lui, d’avoir, eux aussi, part à la connaissance secrète, d’origine plus qu’humaine. D’où son rêve d’un Empire allemand hiérarchisé — et, au-delà de lui, d’un monde hiérarchisé — selon l’esprit de la Tradition ; d’un “système de castes à l’échelle planétaire”, pour reprendre l’expression d’un Hindou, admirateur intelligent du Troisième Reich germanique. D’où, aussi, ses efforts en vue de la création de l’Ordre — “véritable sacerdoce laïque”, comme écrit Rauschning, — qui devait

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être le gardien de la Tradition au sommet de la pyramide sociale du grand Reich et, après l’inévitable effondrement, au sommet de celle des fidèles survivants. Cet Ordre, je l’ai dit, c’était celui des Schuzstaffel ou “Echelons de protection”, communément désigné par ses initiales : — S.S. — Ordre que le Führer voulait à la fois “militant” et “triomphant”, au sens où ces qualificatifs s’appliquent à l’Eglise, dans la théologie catholique ; c’est-à-dire guerrier, préoccupé avant tout de la défense et de l’expansion des Forts de l’élite aryenne en ce monde, et ayant atteint au moins un certain degré d’être, le séparant du reste des hommes, comme les “élus” sont séparés du “monde” — les initiés des non-initiés — dans toutes les sociétés traditionnelles.

Sans l’existence d’un tel Ordre, le renversement des fausses valeurs sur tous les plans (y compris le plan matériel) était inconcevable.